La France au volant

Texte 2

Le très britannique major Thompson voyage en France et il décrit les mœurs des Français avec une ironie légère.

Il faut se méfier des Français en général, mais sur la route en particulier.

Pour un Anglais qui arrive en France, il est indispensable de savoir d’abord qu’il existe deux sortes de Français: les à-pied et les en-voiture. Les à-pied exècrent les en-voiture, et les en-voiture terrorisent les à-pied, les premiers passant instantanément dans le camp des seconds si on leur met un volant entre les mains. (Il en est ainsi au théâtre avec les retardataires qui, après avoir dérangé douze personnes pour s’asseoir, sont les premiers à protester contre ceux qui ont le toupet d’arriver plus tard).

Les Anglais conduisent plutôt mal, mais prudemment. Les Français conduisent plutôt bien, mais follement. La proportion des accidents est à peu près la même dans les deux pays. Mais je me sens plus tranquille avec des gens qui font mal des choses bien qu’avec ceux qui font bien de mauvaises choses.

Il y a, au fond de beaucoup de Français, un Fangio qui sommeille et que réveille le simple contact du pied avec l’accélérateur. Le citoyen paisible qui vous a obligeamment invité à prendre place dans sa voiture peut se métamorphoser sous vos yeux en pilote démoniaque.

Jérôme Charnelet, ce bon père de famille qui n’écraserait pas une mouche contre une vitre, est tout près à écraser un piéton pour se sentir dans son droit. Au signal vert, il voit rouge. Rien ne l’arrête plus, pas même le jaune. Le seul fait d’être dépassé rend M. Charnelet d’une humeur exécrable. Il ne recouvre sa sérénité qu’en doublant un nouveau rival. M. Charnelet sadique dit à ses enfants dressés: «Quand votre père aura soif, vous boirez!»

Surtout pas d’arrêt intempestif! et l’on souffre en silence.

Les Français ont une façon de tenir leur droite en glissant toujours vers la gauche; c’est pourquoi un automobiliste anglais a parfois quelque peine à savoir où rouler.

Lors d’un de mes premiers voyages en France, la vue d’une automobile arrivant en sens inverse sur le même côté de la route que moi, me fit soudain comprendre que j’avais oublié de tenir ma droite. Je me rabattis à temps sur le bon côté et freinai, tandis que mon vis-à-vis, s’arrêtant à ma hauteur, me criait:

«Complètement fou, idiot, non? Tu t’crois encore chez les rosbifs?»

Puis, comme il prenait mon silence pour de l’incompréhension, l’homme me regarda en se frappant le front de son index à petits coups rapides.

Ce geste, je devais l’apprendre, est un véritable rite.

Pierre Daninos, Le carnet du major Thompson (adapté)

I. Répondez aux questions suivantes

1. Comment la voiture transforme-t-elle le Français qui, d’ordinaire, est un homme paisible?

2. Comment l’automobiliste français réagit-il à la vue d’un autre automobiliste roulant sur le mauvais côté?

3. Aimeriez-vous passer le permis de conduire? Justifiez votre réponse.

4. Comment un automobiliste peut-il réduire les dangers de la route? Préférez-vous voyager en voiture ou par le train?

Дата добавления: 2014-12-17