La conversation s'engagea sur un sujet assez plaisant, et soudain le Roi, touché par cette main de glace qui depuis quelques semaines s'abattait sur son épaule, et le jetait aux pensées graves, exprima une idée qui aujourd'hui lui était familière, mais qui parut surprenante aux courtisans qui l'écoutaient:
«Vous ne me connaissez pas maintenant; mais je mourrai un de ces jours, et quand vous m'aurez perdu, vous reconnaîtrez la différence qu'il y a de moi aux autres hommes**.»
Monsieur de Bassompierre dit alors:
«Sire, ne cesserez-vous donc jamais de nous troubler en nous disant que vous mourrez bientôt? Vous vivrez, s'il plaît à Dieu, bonnes et longues années. Vous n'êtes qu'en la fleur de votre âge, en une parfaite santé et force de corps, plein d'honneurs plus qu'aucun mortel, jouissant en toute tranquillité du plus florissant royaume du monde, aimé et adoré de vos sujets. Belle femme, belles maîtresses, beaux enfants qui deviennent grands, que vous faut-il de plus et qu'avez-vous à désirer davantage?»
Le Roi se mit à soupirer et répondit simplement: «Mon ami, il faut quitter tout cela.»
Quel étrange mot mystérieux! Quel sentiment divinatoire, que de regret dans ce soupir! Mais la main glacée l'abandonne, l'avenir se ferme à ses yeux; et l'on s'étonne qu'ayant jeté un tel regard sur son destin, les soucis journaliers et les plaisirs communs puissent l'occuper encore.
JÉRÔME et JEAN THARAJJD. La Tragédie de Ravaillac (19J3).
Примечания:
1. Часослов, молитвенник. 2. Герцог Вандомский, Сезар (1594 — 1653) — побочный сын Генриха IV, его матерью была Габриель д'Эстре. 3. С Австрийской монархией.
4. Церковь в нескольких сотнях метров от Лувра. Сохранилась до наших дней
5. На углу улиц Сен-Жак и Эколь — не сохранилась. 6. Трактир. 7. Фамилия трактир- щика. 8. Придворные. 9. Букв, колыбель. Сидение в передней часги кареты, накрытое пологом, подобно колыбели.
Вопросы:
* Montrer l'effort accompli par les auteurs de cette page pour humaniser la psychologie du futur régicide.
** Quelle était cette différence?
RICHELIEU (1585-1642) ET «LES ENNEMIS DE L'ÉTAT»
En une phrase, lapidaire, prononcée peu de temps avant sa mort, Richelieu s'est jugé lui-même avec lucidité: «Je n'ai jamais eu d'autres ennemis que ceux de l'Etat.» Quand on songe que ces ennemis n'étaient ni moins nombreux, ni moins puissants аи-dedans quau-dehors, et que tous, pourtant, furent finalement réduits, on mesure du même coup l'œuvre du Cardinal: c'est à lui qu'il faut rapporter le mérite d'avoir assis définitivement l'unité française. Mais l'aristocratie qu'il mit au pas trouvera un défenseur dans Alfred de Vigny. Associant des préjugés de classe et ses convictions personnelles, celui-ci a traduit sous une forme mélodramatique la domination morale exercée par Richelieu sur le faible Louis XIII, notamment lors de la répression du complot de trahison ourdi par Cinq-Mars et De Thou.
«Laissez-moi», dit le Roi d'un ton d'humeur. Le secrétaire d'Etat sortit lentement. Ce fut alors que Louis XIII se vit tout entier et s'effraya du néant qu'il trouvait en lui-même. Il promena d'abord sa vue sur l'amas de papiers qui l'entourait, passant de l'un à l'autre, trouvant partout des dangers et ne les trouvant jamais plus grands que dans les ressources mêmes qu'il inventait. II se leva et, changeant de place, se courba ou plutôt
se jeta sur une carte géographique de l'Europe; il y trouva toutes ses terreurs ensemble, au nord, au midi, au centre de son royaume; les révolutions lui apparaissaient comme des Euménides1; sous chaque contrée, il crut voir fumer un volcan; il lui semblait entendre les cris de détresse des rois qui l'appelaient et les cris de fureur des peuples; il crut sentir la terre de France craquer et se fendre sous ses pieds; sa vue faible et fatiguée se troubla, sa tête malade fut saisie d'un vertige qui refoula le sang vers son cœur.
«Richelieu! cria-t-il d'une voix étouffée en agitant une sonnette; qu'on appelle le Cardinal!»
Et il tomba évanoui dans un fauteuil.
Lorsque le Roi ouvrit les yeux, ranimé par les odeurs fortes et les sels qu'on lui mit sur les lèvres et les tempes, il vit un instant des pages, qui se retirèrent sitôt qu'il eut entrouvert ses paupières, et se retrouva seul avec le Cardinal. L'impassible ministre avait fait poser sa chaise longue contre le fauteuil du Roi, comme le siège d'un médecin près du lit de son malade, et ûxait ses yeux étince-lants et scrutateurs sur le visage pâle de Louis. Sitôt qu'il put l'entendre, il reprit d'une voix sombre son terrible dialogue: «Vous m'avez appelé, dit-il, que me voulez-vous?»
Louis, renversé sur l'oreiller, entrouvrit les yeux et le regarda, puis se hâta de les refermer. Cette tête décharnée, ornée de deux yeux flamboyants et terminée par une barbe aiguë et blanchâtre, cette calotte et ces vêtements de la couleur du sang et des flammes, tout lui représentait un esprit infernal. «Régnez, dit-il d'une voix faible.
— Mais... me livrez-vous Cinq-Mars et de Thou? poursuivit l'implac- able ministre en s'approchant pour lire dans les yeux éteints du prince, comme un avide héritier poursuit jusque dans la tombe les dernières lueurs de la volonté d'un mourant.
— Régnez, répéta le Roi en détournant la tête.
— Signez donc, reprit Richelieu; ce papier porte: «Ceci est ma volonté de les prendre morts ou vifs~.»
Louis, toujours la tête renversée sur le dossier du fauteuil, laissa tomber sa main sur le papier fatal et signa. «Laissez-moi, par pitié! Je meurs! dit-il.
— Ce n'est pas tout encore, continua celui qu'on appelle le grand politique; je ne suis pas sûr de vous; il me faut dorénavant des garanties et des gages. Signez encore ceci, et je vous quitte:
«Quand le Roi ira voir le Cardinal, les gardes de celui-ci ne quitteront pas les armes; et quand le Cardinal ira chez le Roi, ses gardes partageront le poste avec ceux de Sa Majesté.»
De plus:
«Sa Majesté s'engage à remettre les deux Princes ses fils en otages entre les mains du Cardinal, comme garantie de la bonne foi de son attachement.»
— Mes enfants! s'écria Louis, relevant sa tête, vous osez....
— Aimez-vous mieux que je me retire?» dit Richelieu. Le Roi signa*.
ALFRED DE VIGNY. Cinq-Mars (1826).
Примечания:
\. В греческой мифологии богини мщения, обитательницы Аида. 2. Vivants.
Вопросы:
* Par quels moyens s'exprime le contraste entre la faiblesse tout humaine du roi et l'inflexible rigueur du cardinal? — Ce contraste, un peu appuyé, ne force-t-il pas la vérité historique?
LOUIS XIV, PROTECTEUR DES SCIENCES ET DES LETTRES (1638-1715)
Demême qu'il y a eu un siècle de Périclès et un siècle d'Auguste, il y a un «siècle de Louis XIV». C'est-à-dire une époque (le lumière, où les lettres et les arts, protégés par un souverain fastueux, connurent une exceptionnelle pro- spérité.
Sans doute des guerres inutiles et, à l'i-ntérieur du royaume, une grande misère vinrent-elles assombrir les dernières années d'un règne jusqu'alors éclatant. Mais comment oublier tout ce que le «Roi-Soleil» fit pour les savants, les écrivains, les artistes, les voyageurs même, ainsi que le rappelle avec fougue Voltaire dans sa célèbre lettre à Milord Hervey alors Garde des Sceaux d'Angleterre?
Louis XIV songeait à tout; il protégeait les Académies et distinguait .ceux qui se signalaient. Il ne prodiguait point ses faveurs à un genre de mérite à l'exclusion des autres, comme tant de princes qui favorisent non ce qui est bon, mais ce qui leur plaît; la physique et l'étude de l'Antiquité attirèrent son attention. Elle ne se ralentit pas même dans les guerres qu'il soutenait contre l'Europe; car en bâtissant trois cents citadelles, en faisant marcher quatre cent mille soldats, il faisait élever l'Observatoire et tracer
une méridienne d'un bout du royaume à l'autre, ouvrage unique dans le monde. Il faisait imprimer dans son palais les traductions des bons auteurs grecs et latins; il envoyait des géomètres et des physiciens au fond de l'Afrique et de l'Amérique chercher de nouvelles connaissances. Songez, milord. que, sans le voyage et les expériences de ceux qu'il envoya à Cayenne1 en 1672, et sans les mesures de M. Picard2 jamais Newton"' n'eût fait ses découvertes sur l'attraction. Regardez, je vous prie, un Cassini et un Huygens" qui renoncent tous deux à leur patrie, qu'ils honorent, pour venir en France jouir de l'estime et des bienfaits de Louis XIV. Et pensez-vous que les Anglais même ne lui aient pas d'obligation! Dites-moi, je vous prie, dans quelle cour Charles II6 puisa tant de politesse et tant de goût? Les bons auteurs de Louis XIV n'ont-ils pas été vos modèles?.N'est-ce pas d'eux que votre sage Addison7 l'homme de votre nation qui avait le goût le plus sûr, a tiré souvent ses excellentes critiques? L'évoque Burnet8 avoue que ce goût, acquis en France par les courtisans de Charles II, réforma chez vous jusqu'à la chaire, malgré la différence de nos religions. Tant la saine raison a partout d'empire! Dites-moi si les bons livres de ce temps n'ont pas servi à l'éducation de tous les princes de l'empire. Dans quelles cours de l'Allemagne n'a-t-on pas vu de théâtres français? Quel prince ne tâchait pas d'imiter Louis XIV? Quelle nation ne suivait pas alors les modes de la France? (...)
Enfin la langue française, mi-lord, est devenue presque la langue universelle. A qui en est-on redevable? était-elle aussi étendue du temps de Henri IV? Non, sans doute; on ne connaissait que l'italien et l'espagnol. Ce sont nos excellents écrivains qui ont fait ce changement. Mais qui a protégé, employé, encouragé ces excellents écrivains? C'était M. Colberf10, me direz-vous; je l'avoue, et je prétends bien que le ministre doit partager la gloire du maître. Mais qu'eut fait un Colbert sous un autre prince? sous votre roi Guillaume1 ' qui n'aimait rien, sous le roi d'Espagne Charles II12 sous tant d'autres souverains*? Croiriez-vous bien, milord, que Louis XIV a réformé le goût de sa cour en plus d'un genre? il choisit Lulli13 pour son musicien, et ôta le privilège à Cambert14, parce que Cambert était un homme médiocre, et Luili un homme supérieur. Il savait distinguer l'esprit du génie; il donnait à Quinault'5 les sujets de ses opéras; il dirigeait les peintures de Lebrun16; il soutenait Boileau, Racine et Molière contre leurs ennemis; il encourageait les arts utiles comme les beaux-arts et toujours en connaissance de cause; il prêtait de l'argent à Van Robais17 pour établir ses manufactures; il avançait des millions à la Compagnie des Indes, qu'il avait formée; il donnait des pensions aux savants et aux braves
officiers. Non seulement il s'est fait de grandes choses sous son règne, mais c'est lui qui les faisait. Souffrez donc, milord, que je tâche d'élever à sa gloire un monument que je consacre encore plus à l'utilité du genre humain"**.
VOLTAIRE. Lettre à Milord Hervey (1740). Примечания:
1. Порт во Французской Гвиане (Южная Америка), а также одно из названий этой колонии. 2. Пикар, Жан (1620 - 1682) — французский астроном, первым с достаточ- ной точностью провел измерения дуги меридиана. 3. Ньютон, Исаак (1642 - 1727) — знаменитый английский математик, астроном и физик. 4. Кассини, Жан Доминик (Джованни Доминико) (1625 - 1712) — астроном, геодезист, картограф, родился в Италии, работал в Париже. Первый директор Парижской Обсерватории. 5. Гюйгенс, Христиан (1629-1695) — голландский физик и астроном, в 1665 - 1681 гг. работал в Париже. 6. Карл II, (1630 - 1685) — английский король, сын казненного короля Кар- ла I, был приглашен на английский трон в 1660 г. после смерти Кромвеля, до этого жил в изгнании. 7. Аддисон, Джозеф (1672 - 1719) — английский государственный деятель и писатель. 8. Вернет, Джозеф (1643 - 1715) — епископ Солсбери, историк. 9. Вплоть до церковного красноречия. 10. Кольбер, Жан Батист (1619 - 1683) — знаменитый министр Людовика XIV, генеральный контролер финансов. 11. Виль- гельм III Оранский (1650 - 1702) — штатгальтер Голландии, в 1689 г. призван на анг- лийский трон после свержения династии Стюартов. 12. Карлос II, король Испании, правил с 1665 по 1700 г., последний представитель династии Габсбургов. После его смерти началась война за "испанское наследство". 13. Люлли, Жан Батист (Джованни Баттиста Лулли, 1623 - 1687) — французский композитор. Родился в Италии, с 1646 г. жил во Франции. С 1662 г. музыкальный суперинтендант короля. Автор "Психеи". "Армиды" и др. 14. Камбер, Робер (1628 - 1687) — французский композитор, музы- кальный суперинтендант Анны Австрийской. В 1669 г. получил от Людовика XIV привилегию на открытие музыкального театра. В 1672 г. привилегия была передана Люлли. 15. Французский поэт Кино (1635 - 1688), автор либретто опер Люлли. 16. Лебрен, Шарль (1619 - 1690) — французский художник, основатель Академии живописи и скульптуры. По его эскизам выполнены многочисленные декоративные украшения в Лувре, Версале и др. 17. Владелец знаменитых текстильных мануфактур.
Вопросы:
*Се paragraphe ne fait-il pas apparaître une sorte de chaleur, d'enthousiasme patriotique, qu'on n'attendrait guère d'un écrivain souvent si hostile à l'Ancien Régime?
**D'après cette leltre., commentez, l'affirmation de Voltaire "C'est encore plus d'un grand roi que j'écris l'histoire.".
ORIGINE DE «LA MARSEILLAISE (1792)»
Tout le monde connaît les principaux hymnes révolutionnaires: le Ça ira, la Carmagnole, le Chant du Départ. Mais, malgré leur succès populaire, aucun d'eux ne devait rencontrer la prodigieuse fortune de La Marseillaise, hymne de liberté,qui allait, plus tard, devenir l'hymne national des Français.
Il y avait alors un jeune officier d'artillerie en garnison à Strasbourg. Son nom était Rouget de Lisie. Il était né à Lons-le-Saunier, dans le Jura, pays de rêverie et d'énergie, comme le sont toujours les montagnes. Ce jeune homme aimait la guerre comme soldat, la Révolution comme penseur. Recherché pour son double talent de musicien et de poète, il fréquentait régulièrement la maison de Dietrich, patriote alsacien, maire de Strasbourg; la femme et les jeunes filles de Dietrich partageaient l'enthousiasme du patriotisme et. de la Révolution, qui palpitait surtout aux frontières, comme les crispations du corps menacé sont plus sensibles aux extrémités. Elles aimaient le jeune officier, elles inspiraient son cœur, sa poésie, sa musique. Elles exécutaient les premières ses pensées à peine écloses, confidentes des balbutiements de son génie.
C'était l'hiver de 1792. La disette régnait à Strasbourg. La maison de Dietrich était pauvre, sa table frugale, mais hospitalière pour Rouget de Lisie. Le jeune officier s'y asseyait le soir et le matin comme un fils ou un frère de la famille. Un jour qu'il n'y avait eu que du pain de munition' et quelques tranches de jambon fumé sur la table, Dietrich regarda de Lisie avec une sérénité triste et lui dit: «L'abondance manque à nos festins; mais qu'importé, si l'enthousiasme ne manque à nos fêtes civiques et le courage aux cœurs de nos soldats! J'ai encore une dernière bouteille de vin dans mon cellier. Qu'on l'apporte, dit-il à une de ses filles, et buvons-la à la liberté et à la patrie. Strasbourg doit avoir bientôt une cérémonie patriotique, il faut que de Lisie puise dans ces dernières gouttes un de ces hymnes qui portent dans l'âme du peuple l'ivresse d'où il a jailli.» Les jeunes filles applaudirent, apportèrent le vin, remplirent le verre de leur vieux père et du jeune officier jusqu'à ce que la liqueur fût épuisée.
Il était minuit. La nuit était froide. De Lisie était rêveur; son cœur était ému, sa tête échauffée. Le froid le saisit, il rentra chancelant dans sa chambre solitaire, chercha lentement l'inspiration, tantôt dans les palpitations de son âme de citoyen, tantôt sur le clavier de son instrument d'artiste, composant tantôt l'air avant les paroles, tantôt les paroles avant l'air, et les associant tellement dans sa pensée qu'il ne pouvait savoir lui-
même lequel, de la note ou du vers, était né le premier, et qu'il était impossible de séparer la poésie de la musique et le sentiment de l'expression. Il chantait tout et n'écrivait rien*.
Accablé de cette inspiration sublime, il s'endormit la tête sur son instrument et ne se réveilla qu'au jour. Les chants de la nuit lui remontèrent avec peine dans la mémoire comme les impressions d'un rêve. Il les écrivit, les nota et courut chez Dietrich. Il le trouva dans son jardin, bêchant de ses propres mains des laitues2 d'hiver. La femme et les filles du vieux patriote n'étaient pas encore levées. Dietrich les éveilla, appela quelques amis, tous passionnés comme lui pour la musique et capables d'exécuter la composition de de Lisie. La fille aînée de Dietrich accompagnait. Rouget chanta. A la première strophe, les visages pâlirent, à la seconde les larmes coulèrent, aux dernières le délire de l'enthousiasme éclata. La femme de Dietrich, ses filles, le père, le jeune officier se jetèrent en pleurant dans les bras les uns des autres. L'hymne de la patrie était trouvé; hélas, il devait être aussi l'hymne de la Terreur3 L'infortuné Dietrich marcha peu de mois après à l'échafaud, au son de ces notes nées à son foyer, du cœur de son ami et de la voix de ses filles.
Le nouveau chant, exécuté quelques jours après à Strasbourg, vola de ville en ville sur tous les orchestres populaires. Marseille l'adopta pour être chanté au commencement et à la fin des séances de ses clubs. Les Marseillais le répandirent en France en le chantant sur leur route4. De là lui vient le nom de Marseillaise. La vieille mère de Lisie, royaliste et religieuse, épouvantée du retentissement de la voix de son fils, lui écrivait: «Qu'est-ce donc que cet hymne révolutionnaire que chante une horde" de brigands qui traverse la France et auquel on mêle notre nom?» De Lisie lui- même, proscrit en qualité de royaliste, l'entendit, en frissonnant, retentir comme une menace de mort à ses oreilles en fuyant dans les sentiers des Hautes-Alpes. «Comment appelle-t-on cet hymne? demanda-t-il à son guide. — La Marseillaise», lui répondit le paysan. C'est ainsi qu'il apprit le nom de son propre ouvrage. Il était poursuivi par l'enthousiasme qu'il avait semé derrière lui**.
LAMARTINE. Histoire des Girondins (1857). Примечания:
1. Солдатский порционный хлеб. 2. Латук, сорт салата. 3. Имеется в виду период якобинского террора после падения жирондистов (май 1793 г.) до термидорианского переворота и казни Робеспьера (июль 1794 г.) 4. Они шли к северо-восточной границе Франции. 5. Орда.
Вопросы:
* Cette jorme d"inspiration n'est-elle pas déjà toute iamartirienne? ** Quelle est l'attitude de Lamartine à l'égard de la Révolution, telle qu'on peut l'imaginer d'après cette page?
LA LÉGENDE NAPOLÉONIENNE
Onn'est pas forcé d'aimer Napoléon I (1769 — 1821): on ne peut pas ne pas l'admirer. Issu d'une humble famille, originaire d'une ile pauvre entre toutes, élève d'un collège qui normalement eût dû faire de lui un simple officier, il a su, par la seule puissance de son génie, se hausser lui-même et hausser sa patrie jusqu'aux plus fabuleuses destinées... Assurément son impétuosité belliqueuse a coûté bien des morts à la France et a finalement laissé le pays plus petit qu'il n'était auparavant: mais il avait révélé la nation à elle-même. Et, la monarchie une fois restaurée, son nom s'est confondu avec celui des grands révolutionnaires, ses victoires avec celles de la Liberté. Parmi les écrivains français, nul n'a mieux contribué à la légende napo- léonienne que Victor Hugo, le poète libéral, l'adversaire irréductible, plus tard, de Napoléon III....
Oui, l'aigle, un soir, planait aux voûtes éternelles, Lorsqu'un grand coup de vent lui cassa les deux ailes; Sa chute fit dans l'air un foudroyant sillon; Tous alors sur son nid fondirent pleins de joie; Chacun selon ses dents se partagea la proie; L'Angleterre prit l'aigle, et l'Autriche l'aiglon1.
Vous savez ce qu'on fit du géant historique. Pendant six ans on vit, loin derrière l'Afrique2 Sous le verrou des rois prudents, — Oh! n'exilons personne! oh! l'exil est impie! Cette grande figure en sa cage accroupie, Ployée, et les genoux aux dents.
Encore si ce banni n'eût rien aimé sur terre!
Mais les cœurs de lion sont les vrais cœurs de père.
Il aimait son fils, ce vainqueur! Deux choses lui restaient dans sa cage inféconde, Le portrait d'un enfant et la carte du monde,
Tout son génie et tout son cœur!
Le soir quand son regard se perdait dans l'alcôve,
Ce qui se remuait dans cette tête chauve,
Ce que son œil cherchait dans le passé profond,
— Tandis que ses geôliers, sentinelles placées Pour guetter nuit et jour le vol de ses pensées,
En regardaient passer les ombres sur son front; —
Ce n'était pas toujours, sire, cette épopée Que vous aviez naguère écrite avec l'épée,
Aréole, Austerlitz, Montmirail3; Ni l'apparition des vieilles pyramides; Ni le pacha du Caire et ses chevaux numides4
Qui mordaient le vôtre au poitrail;
Ce n'était pas le brait de bombe et de mitraille Que vingt ans, sous ses pieds, avait fait la bataille
Déchaînée en noirs tourbillons, Quand son souffle poussait sur cette mer troublée Les drapeaux frissonnants, penchés dans la mêlée
Comme les mâts des bataillons;
Ce n'était pas Madrid, le Kremiin et le Phare5 La diane6 au matin fredonnant sa fanfare, Le bivouac sommeillant dans les feux étoiles, Les dragons chevelus7, les grenadiers épiques, Et les rouges lanciers fourmillant dans les piques, Comme des fleurs de pourpre en l'épaisseur des blés;
Non, ce qui l'occupait, c'est l'ombre blonde et rosé D'un bel enfant qui dort la bouche demi-close,
Gracieux comme l'orient, Tandis qu'avec amour sa nourrice enchantée D'une goutte de lait au bout du sein restée
Agace sa lèvre en riant.
Le père alors posait ses coudes sur sa chaise, Son cœur plein de sanglots se dégonflait à l'aise,
II pleurait, d'amour éperdu....
— Sois béni, pauvre enfant, tête aujourd'hui glacée8, Seul être qui pouvais distraire sa pensée
Du trône du monde perdu*!
VICTOR HUGO. Napoléon II (1832).
Примечания:
1. Орел — Наполеон I; Орленок — Наполеон II, "Римский король" (1811 - 1832). сын Наполеона I и Марии Луизы. "Англия схватила Орла" — после Ста дней и раз- грома под Ватерлоо Наполеон I содержался на острове св.Елены, принадлежавшем Англии. "Австрия захватила Орленка" — после отречения Наполеона его сын жил в Австрии в замке Шенбрунн у своего деда, австрийского императора Франца I, под именем герцога Рейхштадского. В 1900 г. Ростан написал драму о Наполеоне II, кото- рую под влиянием Гюго назвал "Орленок". 2. Имеется в виду остров св.Елены. 3. Победы, одержанные Наполеоном: Арколь в 1796 г., Аустерлиц в 1805 г., Монми- рай в 1814 г. 4. Арабские. 5. Александрийский маяк, который считался одним из семи чудес света. 6. Сигнал подъема. 7. Косматые — так называли драгун, потому что их шлемы украшали султаны из конских хвостов. 8. Наполеон II умер 22 июля 1832 г.. а это стихотворение было написано в августе 1832 г.
Вопросы:
^Montrez que Victor Hugo unit, dans ces vers, ies accents deAépopée à la pitié la plus simplement humaine. — Quel vers, dans la 2° strophe, est particulièrement émouvant?
LE 24 FÉVRIER 1848
La révolution de 1848 est une jgrancle date dans l'histoire nationale. Sans doute elle déçut bientôt les folles espérances qu'elle avait éveillées: mais elle était née d'un bel élan d'enthousiasme, dont GUSTAVE FLAUBERT, en quelques- unes des pages les plus remarquables de L'Education sentimentale, a fait revivre les heures les plus pathétiques, sans se refuser, d'ailleurs, aux détails réalistes.
Frédéric Moreau et son camarade Hussonnet viennent de se rencontrer devant lu façade des Tuileries. Ils pénètrent dans le palais, où la foule des émeutiers s'est déjà engouffrée.
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