Avec son 'prénom, fait d'un diminutif, et son nom, emprunté à celui d'un oiseau, Mimi Pinson incarne à merveille ce personnage de jeune fille, modiste ou lingère, appelé jadis la «grisette» et aujourd'hui la «midinette». Pauvre. mais pimpante; née du peuple, mais sans vulgarité; travailleuse, mais le rue facile; point farouche, et pourtant honnête: oui, elle est bien telle, que l'a présentée ALFRED DE MUSSET dans une série d'alertes couplets.
Mimi Pinson est une blonde, Une blonde que l'on connaît. Elle n'a qu'une robe au monde,
Landerirette1!
Et qu'un bonnet.
Le Grand Turc2 en a davantage. Dieu voulut de cette façon
La rendre sage.
On ne peut pas la mettre en gage La robe de Mimi Pinson. Mimi Pinson porte une rosé, Une rosé blanche au côté. Cette fleur dans son cœur éclose, Landerirette! C'est la gaîté.
Quand un bon souper la réveille, Elle fait sortir la chanson
De la bouteille. Parfois il penche sur l'oreille, Le bonnet de Mimi Pinson. Elle a les yeux et la main prestes. Les carabins4 matin et soir, Usent les manches de leurs vestes,
Landerirette!
A son comptoir.
Quoique sans maltraiter personne, Mimi leur fait mieux la leçon
Qu'à la Sorbonne. Il ne faut pas qu'on la chiffonne, La robe de Mimi Pinson.
Mimi Pinson peut rester fille,
Si Dieu le veut, c'est dans son droit.
Elle aura toujours son aiguille,
Landerirette!
Au bout du doigt. Pour entreprendre sa conquête, Ce n'est pas tout qu'un beau garçon
Faut5 être honnête; Car il n'est pas loin de sa tête Le bonnet de Mimi Pinsonô
D'un gros bouquet de fleurs d'orange
Si l'amour veut la couronner,,
Elle a quelque chose en échange,
Landerirette!
A lui donner.
Ce n'est pas, on se l'imagine, Un manteau sur un écusson
Fourré d'hermine;
C'est l'étui d'une perle fine7,
La robe de Mimi Pinson.
Mimi n'a pas l'âme vulgaire; Mais son cœur est républicain: Aux trois jours8 elle a fait la guerre,
Landerirette!
En casaquin9. A défaut d'une hallebarde On l'a vue avec son poinçon10
Monter la garde. Heureux qui mettra la cocarde Au bonnet de Mimi Pinson*.
alfred de musset. Poésiesnouvelle's (1835-1852).
Примечания:
1. Слово, не имеющее смысла, используется как припев в народных песнях 2. Турецкий султан. 3. То есть платье Мими невозможно сдать в заклад. 4. На студен- песком жаргоне того времени — студенты-медики. 5. Langage familier: il faui être honnête. 6. «Avoir la tête près du bonnet» означает "быть вспыльчивым, скорым на язви- тельный ответ". 7. Жемчужина, перл, т.е. сама Мими Пенсон. 8. Имеются в виду дни революции 1830 года (27, 28, 29 июля). 9. Казакин, женская короткая блузка или коф. точка, сшитая в талию. 10. Пуансон — инструмент для пробивания в ткани круглых отверстий, которые затем обшиваются.
Вопросы:
* Quels caractères inspiration et rythme, refrain de chaque couplet font de cette pièce une «chanson»? — On comparera ces vers à ceux où Musset célèbre le Salon de l'Arsenal.
DÉTRESSE DE MADAME BOVARY
Emma BOVARY est-elle vraiment, comme l'a affirmé Albert Thibaudet, «la femme française moyenne la plus proche de la lectrice française de romans»? Peut-être. En tout cas, elle fut, pendant un certain temps, la provinciale type, la femme dont le cœur romantique (et de surcroît nourri de lectures roma- nesques) est déçu par la médiocrité d'un mari sans ambition et la platitude d'une vie quotidienne dépourvue de toute poésie.
Au fond de son âme, cependant, elle attendait un événement. Comme les matelots en détresse, elle promenait sur la solitude de sa vie des yeux désespérés, cherchant au loin quelque voile blanche dans les brumes de l'horizon. Elle ne savait pas quel serait ce hasard, le vent qui le pousserait jusqu'à elle, vers quel rivage il la mènerait, s'il était chaloupe ou vaisseau à trois ponts, chargé d'angoisses ou plein de félicités jusqu'aux sabords1. Mais, chaque matin, à son réveil, elle l'espérait pour la journée, et elle écoutait tous les bruits, se levait en sursaut, s'étonnait qu'il ne vînt pas, puis, au coucher du soleil, toujours plus triste, désirait être au lendemain.
Le printemps reparut. Elle eut des étouffements aux premières chaleurs, quand les poiriers fleurirent*.
Dès le commencement de juillet, elle compta sur ses doigts combien de semaines lui restaient pour arriver au mois d'octobre, pensant que le marquis d'Ander-villiers, peut-être, donnerait encore un bal à la Vaubyessard2. Mais tout septembre s'écoula sans lettres ni visites.
Après l'ennui de cette déception, son cœur de nouveau resta vide, et alors la série des mêmes journées recommença.
Elles allaient donc maintenant se suivre à la file, toujours pareilles, innombrables, et n'apportant rien! Les autres existences, si plates qu'elles fussent, avaient du moins la chance d'un événement. Une aventure amenait parfois des péripéties à l'infini, et le décor changeait. Mais, pour elle, rien n'arrivait. Dieu l'avait voulu! L'avenir était un corridor tout noir, et qui avait au fond sa porte bien fermée. Elle abandonna la musique. Pourquoi jouer? Qui l'entendrait? Puisqu'elle ne pourrait jamais, en robe de velours à manches courtes, sur un piano d'Erard', dans un concert, battant de ses doigts légers les touches d'ivoire, sentir, comme une brise, circuler autour d'elle un murmure d'extase, ce n'était pas la peine de s'ennuyer à étudier. Elle laissa dans l'armoire ses cartons à dessin et la tapisserie. A quoi bon? à quoi bon? La couture l'irritait. «J'ai tout lu», se disait-elle. Et elle restait à faire rougir les pincettes, en regardant la pluie tomber**.
1. Пушечные порты, прорези для орудий в борту корабля. 2. Соседний замок, в ко- торый Эмма была приглашена на бал в октябре прошлого года. 3. Эрар Себастьен (1752 - 1831), знаменитый французский мастер, изготавливавший музыкальные инст- рументы, основатель мануфактуры по производству пианино.
Вопросы:
* Pourquoi ce détail: «Quand les poiriers fleurirent»?
** «L'ennui» dont souffre Emma Bovary ne ressemble-t-il pas au fameux«mal du siècle» des romantiques? René, aussi, avait «tout lu».
SOUCIS D'UNE QRAND-MÈRE
MARCEL PROUST a laissé de sa grand-mère un portrait inoubliable, et qu'il a paru inutile de publier une fois de plus. Moins connue, elle n'est guère moins émouvante pourtant, la page où ANDRÉ GIDE a évoqué la bonne vieille qui était si heureuse de pouvoir gâter son petit-fils quand, aux vacances, celui-ci revenait la voir à Uzès.
La continuelle crainte de ma grand-mère était que nous n'eussions pas assez à manger. Elle qui ne mangeait presque rien elle-même, ma mère avait peine à la convaincre que quatre plats par repas nous suffisaient. Le Plus souvent elle ne voulait rien entendre, s'échappait d'auprès de ma mère Pour avoir avec Rosé1 des entretiens mystérieux. Dès qu'elle avait quitté la cuisine, ma mère s'y précipitait à son tour et, vite, avant que Rosé fût partie
au marché, revisait le menu et décommandait les trois quarts. «Eh bien. Rosé! ces gelinottes2? criait grand-mère, au déjeuner.
— Mais, ma mère, nous avions ce matin les côtelettes. J'ai dit à Rosé de garder les gelinottes pour demain.» La pauvre vieille était au désespoir.
«Les côtelettes! Les côtelettes! répétait-elle, affectant de rire. — Des côtelettes d'agneau; il en faut six pour une bouchée...»
Puis, par manière de protestation, elle se levait, enfin allait quérir dans une petite resserre au fond de la salle à manger, pour parer à la désolante insuffisance du menu, quelque mystérieux pot de conserves, préparé pour notre venue. C'étaient le plus souvent des boulettes de porc, truffées, confites dans de la graisse, succulentes, qu'on appelait des «fricandeaux». Ma mère naturellement refusait.
«Té4! le petit en mangera bien, lui!
— Mère, je vous assure qu'il a assez mangé comme cela.
— Pourtant! vous n'allez pas le laisser mourir de faim?..»
(Pour elle, tout enfant qui n'éclatait pas, se mourait. Quand on lui demandait, plus tard, comment elle avait trouvé ses petits-fils, mes cousins, elle répondait invariablement, avec une moue:
«Bien maigres!»)
Une bonne façon d'échapper à la censure de ma mère, c'était de commander à l'hôtel Béchard quelque tendre aloyau5 aux olives, ou, chez Fabregas le pâtissier, un vol-au-vent6 plein de quenelles7, une floconneuse brandade8 ou le traditionnel croûtillon au lard. Ma mère guerroyait aussi, au nom des principes d'hygiène, contre les goûts de ma grand-mère; en particulier, lorsque celle-ci, coupant le vol-au-vent, se réservait un morceau du fond.
«Mais, ma mère, vous prenez justement le plus gras.
— Eh! faisait ma grand-mère, qui se moquait bien de l'hygiène — la croûte du fond...
— Permettez que je vous serve moi-même.»
Et d'un œil résigné la pauvre vieille voyait écarter de son assiette le morceau qu'elle préférait*.
ANDRÉ GIDE. Si le grain ne meurt (1926). Примечания:
1. Имя служанки. 2. Рябчики. 3. Кладовая для продуктов. 4. Exclamation familier6 aux Méridionaux. 5. Говяжье филе, вырезка. 6. Волован, слоеный пирог е наминкой. 7. Мясные или рыбные фрикадельки, вообще мясной или рыбный фарш. 8. Треска по-провансальски: рубленая треска с маслом, чесноком и сливками.
Вопросы:
* Faites ressortir la bonhomie et le naturel du dialogue.
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