Reprenant et développant le principe de Montaigne, que le précepteur doit se conformer au train naturel de l'enfant et non lui imposer le sien, ROUSSEAU a longuement exposé dans son Emile les principes d'une éducation pratique, conforme à la psychologie, conforme aux exigences de la nature.
Emile a peu de connaissances, mais celles qu'il a sont véritablement siennes, il ne sait rien à demi. Dans le petit nombre des choses qu'il sait et qu'il sait bien, la plus importante est qu'il y en a beaucoup qu'il ignore et qu'il peut savoir un jour; beaucoup plus, que d'autres hommes savent et qu'il ne saura de sa vie; et une infinité d'autres qu'aucun homme ne saura jamais. II a un esprit universel, non par les lumières, mais par la faculté d'en acquérir*; un esprit ouvert, intelligent, prêt à tout, et, comme dit Montaigne, sinon instruit, du moins instruisable. Il me suffit qu'il sache trouver l'a quoi bon sur tout ce qu'il fait, et le pourquoi sur tout ce qu'il
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croit. Encore une fois, mon objet n'est point de lui donner la science, mais de lui apprendre à l'acquérir au besoin, de la lui faire estimer exactement ce qu'elle vaut, et de lui faire aimer la vérité par-dessus tout. Avec cette méthode on avance peu, mais on ne fait jamais un pas inutile, et l'on n'est point forcé de rétrograder.
Emile n'a que des connaissances naturelles et purement physiques. Il ne sait pas même le nom de l'histoire, ni ce que c'est que métaphysique et morale. Il connaît les rapports essentiels de l'homme aux choses, mais nul des rapports moraux de l'homme à l'homme. Il sait peu généraliser d'idées, peu faire d'abstractions. Il voit des qualités communes à certains corps sans raisonner sur ces qualités en elles-mêmes. 11 connaît l'étendue abstraite à l'aide des figures de la géométrie; il connaît la quantité abstraite à l'aide des signes de l'algèbre. Ces figures et ces signes sont les supports de ces abstractions, sur lesquels ses sens se reposent. Il ne cherche point à connaître les choses par leur nature, mais seulement parles relations qui l'intéressent. Il n'estime ce qui lui est étranger que par rapport à lui; mais cette estimation est exacte et sûre. La fantaisie, la convention n'y entrent pour rien. Il fait plus de cas de ce qui lui est plus utile; et, ne se départant jamais de cette manière d'apprécier, il ne donne rien àl'opinion.
Il se considère sans égard aux autres, et trouve bon que les autres ne pensent point à lui. Il n'exige rien de personne, et ne croit rien devoir à personne. Il est seul dans la société humaine, il ne compte que sur lui seul. Il a droit aussi plus qu'un autre de compter sur lui-même, car il est tout ce qu'on peut être à son âge. Il n'a point d'erreurs, ou n'a que celles qui nous sont inévitables; il n'a point de vices, ou n'a que ceux dont nul homme ne peut se garantir. Il a le corps sain, les membres agiles, l'esprit juste et sans préjugés, le cœur libre et sans passions. L'amour-propre, la première et la plus naturelle de toutes, y est encore à peine exalté. Sans troubler le repos de personne, il a vécu content, heureux et libre, autant que la nature l'a permis. Trouvez-vous qu'un enfant ainsi parvenu à sa quinzième année ait perdu les précédentes**?
Emile (1762). Livre III.
Вопросы: '
* Formule très heureuse. Montrez-le.
** Estimez-vous que ce portrait d'Emile à quinze ans soit en tous points satisfaisant? Queues qualités manquent à ce jeune homme? Montrez que Rousseau, partant d'un principe juste /une éducation particulière à chaque âge), recommande une éducation non seulement progressive, mais (a tort sans doute) fragmentée.
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