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ActeII, se. V. 4 страница




UN SCEPTIQUE

...A peine oserai-je dire la vanité et la faiblesse que je trouve chez moi.
J'ai le pied si instable et si mal assis' je le trouve si aisé à crouler2 et si prêt
au branle3 et ma vue si déréglée, que à jeun je me sens autre qu'après le
repas; si ma santé me rit, et la clarté d'un beau jour, me voilà honnête
homme5; si j "ai un cor qui me presse l'orteil, me voilà renfrogné, mal
plaisant, inaccessible. Un même pas de cheval me semble tantôt rude,
tantôt aisé, et même chemin à cette heure plus court, une autre fois plus
long, et une même forme ores6 plus, ores moins agréable. Maintenant je
suis à tout faire, maintenant à rien faire; ce qui m'est plaisir à cette heure,
me sera quelquefois peine. Il se fait mille agitations indiscrètes et casuel
les7 chez moi. Ou l'humeur mélancolique me tient, ou la colérique; et, de
son autorité privée8 à cette heure le chagrin prédomine en moi, à cette
heure l'allégresse. Quand je prends des livres, j'aurai aperçu en tel passage
des grâces excellentes et qui auront féru9 mon âme; qu'une autre fois j'y
retombe, j'ai beau le tourner et virer, j'ai beau le plier et le manier, c'est une
masse inconnue et informe pour moi.

En mes écrits même je ne retrouve pas toujours l'air de ma première
imagination: je ne sais ce que j'ai voulu dire, et m'échaude10 souvent
à corriger et y mettre un nouveau sens, pour avoir perdu" le premier, qui
valait mieux. Je ne fais qu'aller et venir; mon jugement ne tire pas toujours
en avant; il flotte, il vague,

Velut minuta magno

Deprensa navis in mari vesaniente vento12.

Maintes fois (comme il m'advient de faire volontiers) ayant pris pour
exercice et pour ébat à maintenir une contraire opinion à la mienne, mon
esprit, s'appliquant et tournant de ce côté-là, m'y attache si bien que je ne
trouve plus la raison de mon premier avis, et m'en dépars11. Je m'entraîne


quasi14 où je penche, comment que ce soit15, et m'emporte de16 mon poids.
Chacun à peu près en dirait autant de soi, s'il se regardait comme moi*.

Essais, II, XII (1580-1588).

Примечания:

1. Так непрочно опирающаяся на землю. 2. Дрогнуть. 3. Настолько готова пошат-
нуться. 4 Ainsi que. 5. Благовоспитанный, учтивый человек. 6. То.. то... 7 Случай-
ные. 8. Самопроизвольно, стихийно. 9. Потрясут. 10. Je me donne chaud à... — я муча-
юсь, je me tourmente à... 11. Parce que j'ai perdu 12. Как маленький корабль, застигну-
тый в открытом море свирепым ветром. — Катулл (лат). 13. И от него отхожу, отка-
зываюсь. 14. В каком-то смысле. 15. Тем или иным образом. 16. Под воздействием.

Вопросы:

* Attachez-vous à souligner ici la souplesse de la pensée et de son expression. Montrez
que le scepticisme de l'auteur repose sur une
observation personnelle et concrète. — Faites
vous-même, à la manière de Montaigne, un
essai de vos dispositions intellectuelles ou
morales.

DESCARTES (1596-1650)

Le trait de génie initial de DESCARTES fut de partir à peu près du 'point où
avait abouti Montaigne et d'instituer, au lieu d'une simple sagesse individuelle
fondée sur des vues approximatives, une «méthode» infaillible 'pour «bien
conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences». Pour ce faire, il
s'enferma dans «son poêle» et y élabora les quatre règles qui constituent la

base du cartésianisme.

Mais cet effort constructif avait été lui-même précédé d'une période moins
spéculative: celle où le philosophe, déblayant sa jeune cervelle de tout le fatras
dont on l'avait encombrée, s'en fut hardiment quérir la vérité dans «le grand
livre du monde»...

EN LISANT DANS LE GRAND LIVRE DU MONDE
Sitôt que l'âge me permit de sortir de la sujétion de mes précepteurs, je
quittai entièrement l'étude des lettres2. Et me résolvant de ne chercher plus
d'autre science que celle qui se pourrait trouver en moi-même, ou bien dans
le grand livre du monde, j'employai le reste de ma jeunesse à voyager, à
voir des cours3 et des armées, à fréquenter des gens de diverses humeurs et


conditions, à recueillir diverses expériences, à m'éprouver moi-même dans
les rencontres que la fortune4 me proposait, et partout à faire telle réflexion
sur les choses qui se présentaient ques j'en pusse tirer quelque profit. Car il
me semblait que je pourrais rencontrer plus de vérité dans les rai-
sonnements que chacun fait touchant les affaires qui lui importent, et dont
l'événement le doit punir bientôt après s'il a mal jugé, que dans ceux que
fait un homme de lettres dans son cabinet touchant des spéculations qui ne
produisent aucun effet, et qui ne lui sont d'autre conséquence6 sinon que
peut-être il en tirera d'autant plus de vanité qu'elles seront plus éloignées du
sens commun, à cause qu'il aura dû employer d'autant plus d'esprit et
d'artifice à tâcher de les rendre vraisemblables. Et j'avais toujours un
extrême désir d'apprendre à distinguer le vrai d'avec le faux, pour voir clair
en mes actions et marcher avec assurance en cette vie.

Il est vrai que pendant que je ne faisais que considérer les mœurs des
autres hommes, je n'y trouvais guère de quoi m'assurer, et que j'y
remarquais quasi7 autant de diversité que j'avais fait auparavant entre les
opinions des philosophes. En sorte que le plus grand profit que j'en retirais
était que, voyant plusieurs choses, qui, bien qu'elles nous semblent fort
extravagantes et ridicules, ne laissent pas d'être8 communément reçues et
approuvées par d'autres grands peuples, j'apprenais à ne rien croire trop
fermement de ce qui ne m'avait été persuadé que par l'exemple et par la
coutume; et ainsi je me délivrais peu à peu de beaucoup d'erreurs qui
peuvent offusquer notre lumière naturelle et nous rendre moins capables
d'entendre raison. Mais, après que j'eus employé quelques années à étudier
ainsi dans le livre du monde et à tâcher d'acquérir quelque expérience, je
pris un jour la résolution d'étudier aussi en moi-même, et d'employer toutes
les forces de mon esprit à choisir les chemins que je devrais suivre. Ce qui
me réussit beaucoup mieux, ce me semble, que si je ne me fusse jamais
éloigné ni de mon pays ni de mes livres*.

Discours de la Méthode (1637), lre partie.
Примечания:

I. В северных странах — комната с большой изразцовой печью. 2. Имеются в виду
книги вообще — и изящная словесность, и ученые трактаты. 3. Королевские дворы,
придворные. 4. Случай. 5. Telle réflexion... que (conséquence). 6. Qui n'ont pour lui
d'autre conséquence que de lui en faire tirer d'autant plus... 7. Почти. 8. Ne manquent pas
d'être...sont pourtant...


Вопросы:

* Qu'est-ce qu'un homme d'aujourd'hui aimera dans cette n expérience», renouvelée de
Montaigne?
Montrez que la phrase de Descartes est einore tout alourdie par l'influence
du
latin, et, à cet égard, en recul par rapport au français du Moyen Age.

BLAISE PASCAL (1623-1662)

*

DESCARTES était un rationaliste aux yeux de qui les mathématiques
constituaient la plus haute activité de l'esprit. Pour PASCAL, au contraire, il
existe, au-dessus de l'intelligible pur, un monde surnaturel qui nous dépasse,
mais dont il sent et voudrait impatiemment nous faire partager la présence.
D'où ce cri, par quoi s'ouvre le Mémorial de Jésus: «Dieu d'Abraham, d'Isaac
et de Jacob, non celui des savants et des philosophes...»
Par là, l'auteur des Pensées s'insère directement dans le courant antiintellectu-
aliste qu'avait inauguré Montaigne: mais il dépasse le scepticisme un peu terre
à terre de son prédécesseur pour atteindre une certitude plus haute, celle qui
part du «cœur» et aboutit à Dieu. Pensée mystique, si l'on veut: mais il y a un
mysticisme français, comme il y a une libre pensée française.

DIEU SENSIBLE AU CŒUR

C'est le cœur qui sent Dieu, et non la raison; voilà ce que c'est que la
foi: Dieu sensible au cœur, non à la raison.

Le cœur a ses raisons, que la raison ne connaît point; on le sait en mille
choses. Je dis que le cœur aime l'Être universel naturellement, et soi-même
naturellement, selon qu'il s'y adonne1 et il se durcit contre l'un ou l'autre, à
son choix. Vous avez rejeté l'un et conservé l'autre: est-ce par raison que

vous vous aimez?

Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore
par le cœur; c'est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers
principes, et c'est en vain que le raisonnement, qui n'y a point de part,
essaie de les combattre. Les pyrrhoniens2 qui n'ont que cela3 pour objet, y
travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons point; quelque
impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne
conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas
l'incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le prétendent. Car la
connaissance des premiers principes, comme4 qu'il y a espace, temps,
mouvement, nombres, est aussi ferme qu'aucune de celles que nos


raisonnements nous donnent. Et c'est sur ces connaissances du. cœur et de
l'instinct qu'il faut que la raison s'appuie, et qu'elle y fonde tout son
discours. Le cœur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace, et que les
nombres sont infinis; et la raison démontre ensuite qu'il n'y a point deux
nombres carrés dont l'un soit double de l'autre. Les principes se sentent, les
propositions se concluent; et le tout avec certitude, quoique par différentes
voies. Et il est aussi inutile et aussi ridicule que la raison demande au cœur
des preuves de ces premiers principes, pour vouloir y consentir, qu'il serait
ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment5 de toutes les
propositions qu'elle démontre, pour vouloir les recevoir.

Cette impuissance ne doit donc servir qu'à humilier la raison, qui
voudrait juger de tout, mais non pas à combattre notre certitude comme s'il
n'y avait que la raison capable de nous instruire. Plût à Dieu que nous n'en
eussions au contraire jamais besoin et que nous connussions toutes choses
par instinct et par sentiment! Mais la nature nous a refusé ce bien; elle ne
nous a au contraire donné que très peu de connaissances de cette sorte;
toutes les autres ne peuvent être acquises que par raisonnement.

Et c'est pourquoi ceux à qui Dieu a donné la religion par sentiment du
cœur sont bien heureux et bien légitimement persuadés. Mais à ceux qui ne
l'ont pas, nous ne pouvons la donner que par raisonnement, en attendant
que Dieu la leur donne par sentiment de cœur, sans quoi la foi n'est
qu'humaine, et inutile pour le salut*.

Pensées (publiées en 1670).
Примечания:

1. В той мере, в какой оно предано любви. 2. Скептики. 3. У которых одна цель —
борьба против главных принципов, диктуемых человеку сердцем 4. Comme = par
exemple. 5. Чувство противопоставляется доказательствам.

Вопросы:

* Quel nom donnerait-on aujourd'hui à ce que Pascal appelle le cœur? — On
comparera le
ion de ce passage à celui de l'extrait précédent.Après iéclosion du
romantisme franfais, la pensée religieuse trouvera un aliment chez Pascal:
pourquoi?

MONTESQUIEU (1689-1755)

les «philosophes» du XVIIIe siècle, MONTESQUIEU osa, le premier, s'attaquer
à des sujets épargnés jusqu'alors: le christianisme et la royauté. Et cette


offensive, commencée sur le ton du persiflage dans les Lettres persanes, se
poursuivit avec acharnement dans l'Esprit des Lois, monument élevé et
consacré à la défense de l'Homme...

DE L'ESCLAVAGE DES NÈGRES

Si j'avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les Nègres
esclaves, voici ce que je dirais:

Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû
mettre en esclavage ceux de l'Afrique, pour s'en servir à défricher tant de

terres.

Le sucre serait trop cher, si l'on ne faisait travailler la plante qui le

produit par des esclaves.

Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête; et ils ont le
nez si écrasé, qu'il est presque impossible de les plaindre.

On ne peut pas se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage,
ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir.

On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez
les Égyptiens, les meilleurs philosophes du monde, était d'une si grande
conséquence1, qu'ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur
tombaient entre les mains.

Une preuve que les Nègres n'ont pas le sens commun, c'est qu'ils font
plus de cas d'un collier de verre que de l'or, qui, chez des nations policées,
est d'une si grande conséquence.

Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des
hommes, parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait
à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.

De petits esprits exagèrent trop l'injustice que l'on fait aux Africains;
car, si elle était telle qu'ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des
princes d'Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d'en faire
une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié*?

Esprit des Lois, XV, v (1748).
Примечания:

] Значение.

Вопросы:

* L'indignation est sensible sous le manteau de l'ironie. Quels passages vous paraissent,
à cet égard,
les plus vigoureux? — Quelle est la nouveauté de cette page, de quel courage
témoigne-t-elle, en 1748?


DIDEROT (1713-1784)
ET «L'ENCYCLOPÉDIE» (1751 1772)

En DIDEROT on admirela -profondeur de vues, la puissance parfois,
prophétique d'un esprit qui n'a pas fini d'exercer son action sur la pensée
d'aujourd'hui. Ce fut un prodigieux remueur d'idées. Spirituel comme Voltaire,
à l'occasion, sensible, pathétique parfois comme Rousseau, il joint à ces dons
une intelligence d'une rare souplesse et propre aux synthèses les plus hardies.
On trouvera ici un article écrit pour cette Encyclopédie, qui ne fut pas
seulement la grande affaire de la vie de Diderot, mais aussi une sorte de
machine de guerre idéologique montée pour démolir l'Ancien Régime.

AUTORITÉ POLITIQUE

Aucun homme n'a reçu de la nature le droit de commander aux autres.
La liberté est un présent du Ciel, et chaque individu de la même espèce a le
droit d'en jouir aussitôt qu'il jouit de la raison. Si la nature a établi quelque
autorité, c'est la puissance paternelle: mais la puissance paternelle a ses
bornés; et dans l'état de nature elle finirait aussitôt que les enfants seraient
en état de se conduire. Toute autre autorité vient d'une autre origine que la
nature. Qu'on examine bien et on la fera toujours remonter à l'une de ces
deux sources: ou la force et la violence de celui qui s'en est emparé; ou le
consentement de ceux qui s'y sont soumis par un contrat fait ou supposé
entre eux et celui à qui ils ont déféré l'autorité.

La puissance qui s'acquiert par la violence n'est qu'une usurpation et ne
dure qu'autant que la force de celui qui commande l'emporte sur celle de
ceux qui obéissent; en sorte que si ces derniers deviennent à leur tour les
plus forts, et qu'ils secouent le joug1, ils le font avec autant de droit et de
justice que l'autre qui le leur avait imposé. La même loi qui a fait l 'autorité
la défait alors: c'est la loi du plus fort.

Quelquefois l'autorité qui s'établit par la violence change de nature;
c'est lorsqu'elle continue et se maintient du consentement exprès2 de ceux
qu'on a soumis: mais elle rentre par là dans la seconde espèce dont je vais
parler; et celui qui se l'était arrogée devenant alors prince cesse d'être
tyran3.

La puissance qui vient du consentement des peuples suppose
nécessairement des conditions qui en rendent l'usage légitime utile à la
société, avantageux à la république4, et qui la fixent et la restreignent entre


des limites; car l'homme ne peut ni ne doit se donner entièrement et sans
réserve à un autre homme, parce qu'il a un maître supérieur au-dessus de
tout, à qui seul il appartient en entier. C'est Dieu dont le pouvoir est
toujours immédiat sur la créature, maître aussi jaloux qu'absolu, qui ne
perd jamais de ses droits et ne les communique point. Il permet pour le
bien commun et le maintien de la société que les hommes établissent entre
eux un ordre de subordination, qu'ils obéissent à l'un d'eux; mais il veut que
ce soit par raison et avec mesure, et non pas aveuglément et sans réserve,
afin que la créature ne s'arroge pas les droits du créateur. Toute autre
soumission est le véritable crime d'idolâtrie5. Fléchir le genou devant un
homme ou devant une image n'est qu'une cérémonie extérieure, dont le vrai
Dieu, qui demande le cœur et l'esprit, ne se soucie guère, et qu'il
abandonne à l'institution des hommes pour en faire, comme il leur
conviendra, des marques d'un culte civil et politique, ou d'un culte de
religion. Ainsi ce ne sont pas ces cérémonies en elles-iAêmes, mais l'esprit
de leur établissement qui en rend la pratique innocente ou criminelle. Un
Anglais n'a point de scrupule à servir le roi le genou en terre; le
cérémonial6 ne signifie que ce qu'on a voulu qu'il signifiât, mais livrer son
cœur, son esprit et sa conduite sans aucune réserve à la volonté et au
caprice d'une pure créature, en faire l'unique et dernier motif de ses actions,
c'est assurément un crime de lèse-majesté divine7 au premier chef8*.,

Encyclopédie.
Примечания:

1. Сбрасывают иго. 2. Ясным, недвусмысленным. 3. Слово использовано в этимо-
логическом смысле — узурпатор. 4. Государство (лат.). 5. Поклонение идолам, а не
истинному Богу. 6. Церемониал. Здесь: правила поведения при дворе. 7. Оскорбление
величества. Здесь', преступление против Божественного величия. 8. В наивысшей сте-
пени

Вопросы:

* En quoi consiste la hardiesse de cet article? Quelles critiques contient-il contre
l'Ancien Régime?
405


CHATEAUBRIAND (1768 1848)

autant le XVIIf siècle avait eu foi en l'homme, autant le' romantiques se
complurent dans le doute et même le désespoir. Il parut soi dain aux jeunes
gens, dont les nerfs étaient d'ailleurs ébranlés par les événements tragiques de
la Révolution et de l'Empire, que l'univers se dérobait sous leurs pas, que la vie
ne valait plus la peine d'être vécue, en un mot, comme dit Alfred de Musset,
qu'ils étaient venus «trop tard dans un monde trop vieux».
Ce «mal du siècle», qui est, à certains égards, le mal de la jeunesse, personne
ne semble l'avoir ressenti plus profondément ni analysé avec plus de lucidité
que CHATEAUBRIAND dans son petit roman autobiographique René.

MÉLANCOLIE DE RENÉ

La solitude absolue, le spectacle de la nature me plongèrent bientôt dans
un état presque impossible à décrire. Sans parents, sans amis, pour ainsi
dire seul sur la terre, n'ayant point encore aimé, j'étais accablé d'une
surabondance de vie. Quelquefois je rougissais subitement, et je sentais
couler dans mon cœur des ruisseaux d'une lave ardente; quelquefois, je
poussais des cris involontaires, et la nuit était également troublée de mes
songes et de mes veilles. Il me manquait quelque chose pour remplir
l'abîme de mon existence; je descendais dans la vallée, je m'élevais sur la
montagne, appelant de toute la force de mes désirs l'idéal objet d'une
flamme future; je l'embrassais dans les vents, je croyais l'entendre dans les
gémissements du fleuve; tout était ce fantôme imaginaire, et les astres dans
les cieux, et le principe même de la vie dans l'univers.

Toutefois cet état de calme et de trouble, d'indigence et de richesse,
n'était pas sans quelques charmes: un jour je m'étais amusé à effeuiller une
branche de saule sur un ruisseau, et à attacher une idée à chaque feuille que
le courant entraînait. Un roi qui craint de perdre sa couronne par une
révolution subite, ne ressent pas des angoisses plus vives que les miennes
à chaque accident qui menaçait les débris de mon rameau. 0 faiblesse des
mortels! ô enfance du cœur humain, qui ne vieillit jamais! Voilà donc
à quel degré de puérilité notre superbe raison peut descendre! Et encore
est-il vrai que bien des hommes attachent leur destinée à des choses d'aussi
peu de valeur que mes feuilles de saule.

Mais comment exprimer cette foule de sensations fugitives que j'éprouvais
dans mes promenades? Les sons que rendent les passions dans le vide d'un
cœur solitaire ressemblent au murmure que les vents et les eaux font entendre
dans le silence d'un désert: on en jouit, mais on ne peut les peindre.
406


L'automne me surprit au milieu de ces incertitudes: j'entrai avec ravis-
sement dans les mois de tempêtes. Tantôt j'aurais voulu être un de ces
guerriers1 errant au milieu des vents, des nuages et des fantômes; tantôt
j'enviais jusqu'au sort du pâtre que je voyais réchauffer ses mains à
l'humble feu de broussailles qu'il avait allumé au coin d'un bois. J'écoutais
ses chants mélancoliques, qui me rappelaient que dans tout pays le chant
naturel de l'homme est triste, lors même qu'il exprime le bonheur. Notre
cœur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes, et où
nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux
soupirs.

Le jour, je m'égarais sur de grandes bruyères terminées par des forêts.
Qu'il fallait peu de chose à ma rêverie! une feuille séchée que le vent
chassait devant moi, une cabane dont la fumée s'élevait dans la cime
dépouillée des arbres, la mousse qui tremblait au souffle du nord sur le
tronc d'un chêne, une roche écartée, un étang désert où le jonc flétri
murmurait! Le clocher solitaire, s'élevant au loin dans la vallée, a souvent
attiré mes regards; souvent j'ai suivi des yeux les oiseaux de passage qui
volaient au-dessus de ma tête. Je me figurais les bords ignorés, les climats
lointains où ils se rendent; j'aurais voulu être sur leurs ailes. Un secret
instinct me tourmentait; je sentais que je n'étais moi-même qu'un voyageur;
mais une voix du ciel semblait me dire: «Homme, la saison de ta migration
n'est pas encore venue; attends que le vent de la mort se lève; alors tu
déploieras ton vol vers ces régions inconnues que ton cœur demande».

«Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans les
espaces d'une autre vie!» Ainsi disant, je marchais à grands pas, le visage
enflammé, le vent sifflant dans ma chevelure, ne sentant ni pluie ni frisson,
enchanté2 tourmenté, et comme possédé par le démon de mon cœur*.

René (1802).
Примечания:

1. Один из воинов, воспетых Оссианом, шотландским бардом III в., которого при-
думал Макферсон и от имени которого сочинил ''Песни Оссиана". Это была одна из
знаменитейших литературных мистификаций. 2. Очарованный, околдованный.

Вопросы:

* On comparera ce texte avec les pièces célèbres de Lamartine intitulées 1/isolement et
L'Automne. — On a dit que Chateaubriand était le dernier «enchanteur des forêts
bretonnes-». Ce texte vous fait-il sentir pourquoi!


ERNEST RENAN (1823-1892)

avec la génération de 1848 s'éteint d'une façon assez brusque le décourage-
ment particulier à l'âge romantique. L'homme, qui s'était cru délaissé,
réprouvé, maudit, re-prend confiance, sinon en Dieu, du moins dans
/ej
progrès de sa propre connaissance. Une nouvelle foi se crée, une sorte de
religion laïque qui aboutira à l'idolâtrie du «scientisme».
ERNEST RENAN est certainement un de ceux qui ont traduit avec le plus de
profondeur cet espoir en l'Avenir de la Science.

DE L'INDIVIDU A L'HUMANITÉ

Un jour, ma mère et moi, en faisant un petit voyage à travers les sentiers

pierreux des côtes de Bretagne qui laissent à tous ceux qui les ont foulés de

si doux souvenirs, nous arrivâmes à une église de hameau, entourée, selon




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