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L'enseignement technique




Soucieux de préserver, dans tous les domaines, la fart de l'esprit, les Français
associent, four l'éducation des jeunes travailleurs manuels, les exercices
professionnels et la culture générale. C'est, à leurs yeux, une condition
essentielle de la libération de l'homme, comme en témoigne le texte ci-dessous,
dû à la plume de M. ALBERT BUISSON, directeur général dt l'Enseignement
technique.

La division du travail et les exigences actuelles de la production -
constituent parfois, pour le développement intellectuel de l'ouvrier
moderne, une lourde menace; pourtant, elles n'ôtent pas l'espoir. Si la
spécialisation agit pour l'accélération du travail dans le même sens que la
machine, il est heureusement possible de conserver à l'Enseignement
technique des moyens de développer les aptitudes de l'homme. Même
à l'atelier, l'intelligence est sollicitée par les problèmes que posent toute


construction, toute transformation. Il serait étonnant, il serait décevant que
l'homme vive et produise sans comprendre, parmi un outillage merveilleux.
L'Enseignement technique intervient pour exciter la curiosité des élèves,
pour les rendre attentifs, observateurs, pour les convaincre, par des faits,
que les explications fournies au tableau noir dans les enseignements
théoriques trouvent dans le domaine pratique les applications les plus
diverses.

L'atelier ainsi considéré n'est pas un centre de pure pratique, mais une
véritable «classe» où l'esprit de l'enfant s'enrichit d'un grand nombre de
connaissances utiles dans l'immédiat et infiniment précieuses pour sa vie
d'homme. Car celui qui aura ajouté à l'acquisition d'une spécialité des
connaissances plus générales, sera prêt à modifier rapidement son travail,
si les circonstances l'exigent. A l'aise dans le présent, il disposera d'une
réserve de moyens propres à assurer son avenir.

Qu'il soit indispensable d'associer l'enseignement général et l'enseigne-
ment pratique, de pénétrer celui-ci par celui-là, il n'est actuellement
personne qui le conteste. Certains, qui n'envisagent que les fins utilitaires
de l'Enseignement technique, rejoignent sur ce point ceux que préoccupent
davantage la condition de l'homme d'aujourd'hui et les exigences de notre
idéal de civilisation. Car, d'une part, la culture intellectuelle est un puissane
auxiliaire pour les travaux pratiques et, d'autre part, la spécialité de la
profession est heureusement compensée par la généralité de l'éducation
Certes, les travaux pratiques, exigeant un horaire important, réduisent la
part faite à l'enseignement général dispensé dans sa forme classique, et
s'opposent ainsi à son développement. Mais il n'est pas d'autre lutte entre
eux que celle de l'horaire. On ne s'étonnera donc pas que les élèves de
l'Enseignement technique, quittant leurs ateliers ou leurs salles de
mécanographie, viennent s'asseoir dans une classe de lettres ou dans un
amphithéâtre scientifique. Et l'on ne sera pas davantage surpris par les
résultats fort honorables qu'ils obtiennent. La forme concrète de certains de
leurs travaux contribue à donner à leur pensée de la précision et de la
netteté. Une expérience déjà longue nous apprend que nos élèves
apprécient, comme leurs camarades d'autres enseignements, la beauté d'un
texte, la justesse ou la force d'une expression, la vigueur d'un
raisonnement, qu'ils sont sensibles à la grâce, à l'harmonie d'un tableau de-
qualité, et capables enfin d'apprécier un beau spectacle.

Ainsi, l'Enseignement technique s'efforce d'atteindre l'homme tout
entier et de développer l'ensemble de ses aptitudes. Il est travail des mains,
appliqué à des activités utiles, indispensables à notre vie nationale; il est


effort technique, qui donne un sens au geste professionnel, qui dresse des
plans, qui ordonne des projets; il est acquisition d'idées, enrichissement de
l'esprit, formation du caractère; il est, en somme, préparation à la vie
professionnelle d'un homme qui voudra toujours abaisser les barrières,
étendre les horizons*.

A. BUISSON. L'Enseignement technique (1954).
Вопросы:

* Commentez ce texte, au point de vue des traditions éducatives françaises, et par
comparaison avec ce que vous connaissez d'autres pays.

L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE

On peut bien affirmer que l'ambition secrète de toute famille française est de
voir au moins l'un des siens forcer les portes de l'École Polytechnique. C'est
assez dire le prestige d'une institution destinée, en principe, à former des
officiers d'artillerie ou du génie, mais dont les élèves les plus brillants (ils
constituent ce qu'on appelle «la botte») sont destinés à devenir les ingénieurs
en chef de tous les services civils les plus importants: Mines, Ponts et Chaus-
sées, Chemins de Fer, Constructions navales, etc.

Dans la lettre qu 'on trouvera ci-dessous, un jeune Polytechnicien, fraîchement
promu, décrit à ses parents la vie qu'il mène à l'École.

Paris, le 23 octobre 195...

Mon cher Papa, ma chère Maman,

Me voici donc depuis près d'un mois à l'Х1 et je me suis très bien
adapté. La vie est bien plus agréable qu'en pension et surtout qu'en taupe2.

Je suppose que vous désirez connaître le genre de vie que je mène. Rien
de plus démonstratif que de vous résumer une de mes journées.

La sonnerie du réveil3 est à six heures trente. A sept heures moins cinq,
quand j'en ai le courage, j'enfile une capote4 sur mon pyjama et je descends
prendre un jus5 au réfectoire ou bien je poursuis mon sommeil interrompu
par le cuivre6 intempestif, jusqu'à sept heures vingt-huit. A sept heures
trente, en effet a lieu l'appel en salle. Reste alors la question du petit
déjeuner. Qu'à cela ne tienne. Il existe un lieu providentiel à l'Ecole, à la
fois club, restaurant, bar (sans alcool), qui propose de saines distractions
(ping-pong, billard) et qui s'appelle précisément «Pitaine Billard»7. On y
boit un café estimable, on y trouve un assortiment de gâteaux assez varié.
Bref, juché sur un haut tabouret, je remplace, à mes frais bien sûr, le jus de


l'Astra*: l'Administration, qui n'a qu'un défaut, celui d'être trop matinal.

A neuf heures trente, je vais docilement en amphithéâtre9, ouïr et
m'instruire pour la Patrie, la Science et la Gloire10.

A onze heures moins le quart, je cours acheter un morceau de pain et du
chocolat (au Pitaine Billard, bien entendu) et je retourne à l'amphithéâtre, à
moins que le programme ne me propose une autre activité intellectuelle ou
physique. A midi trente: magnan (repas) copieux et bon, mais bien trop vite
avalé. Mon Dieu, que nous allons vite! Le Bib" nous a fait la leçon: «Gare
à l'ulcère polytechnicien de la cinquantaine. Il commence à l'Х, par vos
rnagnans au lancé-pierre»12. Ensuite, temps libre, puis étude en salle.
Petites classes. Sport à dix-neuf heures trente, magnan, puis étude, enfin
dodo13.

Je travaille régulièrement et je compte sortir de l'Х dans un rang
honorable. D'ailleurs, je te l'ai dit, si je trouve une place dans l'industrie
privée, mon rang de sortie n'a plus aucune importance, puisque j'ai le droit
de démissionner.14

Quant à toi, ma chère maman, ne t'inquiète pas, je n'ai besoin de rien, ni
de colis de vivres, ni de chandails, ni d'autres pièces vestimentaires. Je vais
une fois par semaine chez mon oncle Joseph, soit le dimanche, soit le
mercredi. Je vais aussi chez le père ou l'oncle de Jean de Fontenac qui
sont très gentils pour moi. A bientôt. (Noël16 approche vite!)

Je vous embrasse affectueusement,

MICHEL.

p.- s. — Demain mercredi, premier B. D. A. (Bal des Antiques").
Grand événement. On s'y ennuie, paraît-il, et il faut une certaine dextérité
pour se dépêtrer des bras tentaculaires des filles d'Antiques18 (disent les
anciens). Rassurez-vous, je demeure cornéliennement19 maître de mes
sentiments*.

JEAN PAULHAC. Les Bons Élèves (1955).

Примечания:

1. Политехническая школа на жаргоне ее студентов. 2. На школьном жаргоне:
подготовительные курсы, готовящие к экзаменам в технические учебные заведения. 3
Политехническая школа —военное учебное заведение, сигналом к побудке в ней слу-
жит горн. 4. Солдатская шинель. 5. Чашка кофе (солдатский жаргон). 6. Медный горн.
7. Кантина, столовая в казармах (солдатский.жаргон)., Pitaine est une abréviation
familière pour capitaine. 8. Аббревиатура студенческого жаргона: l'Administration
9. Учебная аудитория. 10. Девиз Политехнической школы. 11. Сокращение от слова
toubib, означающего на военном жаргоне врача. 12. Наспех.. On dit plus couramment.


en français familier: manger avec un lancé-pierre. 13. Лечь в постель, баю-бай. 14. На
освобождение от армии (по окончании Политехнической школы выпускник теорети-
чески должен был прослужить шесть лет в армии). 15. Политехник, друг Мишеля.
16. На Рождество у студентов бывают десятидневные каникулы. 17. "Ископаемые" —
прозвище старых выпускников школы. 18. Существует мнение, что "Ископаемые"
стремятся выдать своих дочерей за молодых выпускников-политехников. 19. По-
корнелевски. Автор письма иронически намекает на то, что герои Корнеля умели
обуздывать свои чувства, управлять ими.

Вопросы:

*Sur quelio'a. l'auteur de celte lettre parle-t-il de son existence à Polytechnique? Ce ton
vous paraît-il
sincère ou affecté? — Que faut-il penser du système des grandes écoles, si
nombreuses dans l'enseignement français?

MONSIEUR BERGSON
AU COLLÈGE DE FRANCE

Fondé en 1530 par François Ier, le Collège de France apparaît comme une
des institutions les plus vénérables de notre pays. A l'origine, seuls le latin, le
grec et l'hébreu y étaient enseignés. Mais peu à peu toutes les branches du
savoir humain y furent représentées.

Si les cours du Collège de France sont ouverts à tous, en général ils n 'attirent
pas les foules. D'au l'ironie à peine feinte, avec laquelle JÉRÔME Et JEAN
THARAUD décrivent l'engouement de ce public de snobs qui se pressaient aux
conférences, pourtant austères, du célèbre philosophe Henri Bergson.

Cette communion, c'en était une, avait lieu le vendredi, Ce jour-là,
s'alignait devant le Collège de France une file de voitures élégantes,
comme aux jours de première devant le Théâtre-Français ou l'Opéra-
Comique. On ne sait trop pourquoi, aux environs de 1905, la philosophie
des Données immédiates de la Conscience1 était devenue à la mode dans
les salons parisiens. Avec étonnement, M. Leroy-Beaulieu, célèbre
économiste, qui faisait ses leçons dans la même salle que M. Bergson et
immédiatement avant lui, voyait son amphithéâtre, ordinai-rement presque
vide, se peupler par miracle d'une foule inattendue. C'étaient les étudiants
d e Sorbonne ou les clercs de Saint-Sulpice2, qui se condamnaient à regar-
der pendant une heure sa bonne figure de chien d'aveugle qui tient une
sébile, pour être sûrs d'avoir une place au cours du philosophe, et aussi de
Pauvres.hères et des valets de pied qui retenaient des places pour les
femmes du monde éprises de métaphysique.


J'y venais, moi aussi, quelquefois pour voir M. Bergson jongler avec des
œufs, sans jamais en casser un seul devant cet étonnant public. Cette image
d'ailleurs n'est juste qu'à demi, car M. Bergson pariait les mains jointes, les
index allongés et appuyés par le bout l'un sur l'autre, et sans faire d'autre
geste que de fendre l'air doucement avec la pointe de ses doigts; mais elle
exprime tant bien que mal ce que je trouvais de précision aérienne dans le
jeu de son esprit., N'ayant nullement, comme Péguy3, l'appétit
métaphysique, j'admirais surtout chez ce maître le discours si subtil, où des
images rares et charmantes étaient tissées dans la trame de l'analyse
philosophique, étaient cette analyse elle-même. Pendant une heure, il
m'entraînait dans l'ivresse la plus agréable. Des choses compliquées et
lointaines paraissaient toutes faciles et proches. Au sortir de la leçon,
j'ignore si les belles personnes qui regagnaient leur voiture étaient plus
heureuses que moi, mais dès que l'enchantement de la parole avait cessé,
j'éprouvais toutes les peines du monde à ramasser la substance de ce que
j'avais entendu, tellement cette pensée fluide me semblait liée intimement
à l'expression et aux mots. Chaque fois que je m'y essayais, j'avais
l'impression d'abîmer une œuvre d'art parfaite et de me réciter des vers
faux*.

J. et J. THARAUD. Notre cher Péguy (1926),
Примечания:

1. "Непосредственные данные сознания" (1896), одно из наиболее известных про-
изведений А.Бергсона. 2. Духовная семинария, находившаяся тогда на площади Сен-
Сюльпис недалеко от Латинского квартала. 3. Друг и соученик автора по Эколь Нор-
маль (Высшей педагогической школе).

Вопросы:

* En quoi consiste l'ironie légèrement irrévérencieuse de ce passage?


VIII. Религия

Хотя уже более полувека назад католицизм изрядно утратил влия-
ние на Францию и, пожалуй, его позиции у нас не так сильны, как в
Испании или Италии, душа француза тем не менее остается душой
христианской. Большинство нации связано с церковью, и не так уж
много семей, где ребенок не был бы окрещен и не получил бы первое
причастие, где гражданский брак не подтверждался бы венчанием и
где умирающий не получал бы соборования. Французское духовенст-
во, отличающееся достоинством и служащее примером своим прихо-
жанам, многочисленно и влиятельно; при папском престоле оно пред-
ставлено шестью кардиналами; ему присуще обостренное чувство со-
циальной справедливости; оно посылает миссионеров в самые даль-
ние уголки земли; почти в каждой деревне у нас существует храм, и
церковь, несмотря на конкуренцию светского образования, имеет не-
мало школ, коллежей и институтов, дающих основательное религиоз-
ное образование.

Дело в том, что наша страна очень рано приняла христианство.
Оно стремительно распространялось, и когда в конце V века Хлодвиг
принял крещение, королевская власть получила бесценную опору.
Опору, которая неизменно усиливалась и была окончательно упроче-
на в царствование Карла Великого. С тех пор Францию можно счи-
тать страной по сути своей католической, и степень ее участия в кре-
стовых походах показала, сколь значительное место она занимает в
христианском мире. Посему, несмотря на серьезные раздоры, что по-
рой разделяли ее духовенство, она, как и раньше, почитается старшей
дочерью Святой Церкви.

Французский католицизм блистательно проявил себя во всех сфе-
рах религиозной жизни. Франция дала миру святых мучеников —
св. Иринея и св. Бландину; основателей монашеских орденов —
св- Бернарда и св. Венсана де Поля; реформаторов — мать Анжелику
и аббата де Ранее; святых — Женевьеву Парижскую, Жанну д'Арк,
Бернардетту Лурдскую, Терезу де Лизьё; проповедников — Боссюэ
и Бурдалу; теологов — св. Ансельма; пламенных миссионеров —


кардинала Лавижери и отца де Фуко. Католицизм вдохновлял людей
на строительство соборов и церквей. Вдохновлял великих музыкантов
и живописцев. Вдохновлял гениальных писателей от Паскаля до Кло-
деля. Дал миру папу — Герберта Великого, принявшего после избра-
ния на святейший престол имя Сильвестра II, и короля-святого —
Людовика IX.

После II Ватиканского Собора католицизм получил во Франции
новый импульс. В стране проводится множество исследований, изда-
ется множество книг, цель которых — уточнить взаимоотношения
современного человека и религии. Проводятся коллоквиумы и конфе-
ренции экуменистической направленности для установления более
тесных связей, в частности, с протестантами. Предметом серьезных
дискуссий становится положение священника в нынешнем обществе.

Развитие католицизма не прекращается и, наверное, никогда не
прекратится. Франция играла и впредь будет играть важную роль в
обновлении христианства.


SAINT BERNARD

(1091-1153)

On connaît l'admiratle Panégyrique de Bossuet: «Figurez-vous maintenant le
jeune Bernard nourri en homme de condition, qui avait la civilité comme
naturelle, l'esprit -poli far les bonnes lettres, la rencontre belle et aimable,
l'humeur accommodante, les mœurs douces et agréables: ah! que de -puissants
liens pour rester attaché à la terre!»
Oui, et pourtant ces liens furent inca-
pables de contrecarrer la vocation impérieuse du futur fondateur de l'abbaye
de Clairvaux, qui devait aussi (et avec quelle éloquence!) prêcher la seconde
croisade...

Un jour, il vit une femme. Lorsqu'il s'aperçut qu'il la trouvait belle et
désirable, dans une étrange alarme il s'enfuit. Il alla jusqu'à un étang, il y
entra, sans balancer, et il demeurait1 là, dans l'eau glacée. On l'en tira
à demi mort. Pour une fois2, c'était la grande révolte: celle de la liberté
sainte qui n'admet de tomber dans aucun esclavage.

Bernard, cependant, avait une passion, et excessive: celle de la
connaissance. Des amis, ses frères, l'engagèrent à s'adonner aux arts
curieux. Il en fut extrêmement tenté. Mais apprendre pour le plaisir de
savoir, se dit-il, quelle curiosité; apprendre pour être regardé comme
SAvant, quelle vanité; apprendre pour trafiquer de la science, quel
trafic*!

Puis ce fut l'orgueil de la vie qui le tenta. Faire carrière dans l'Eglise,
dans les armes, à la cour? Il était beau. Mince, élégant, de taille haute. Les
yeux bleus plein de feu, un air de noblesse, d'audace, mais de douceur
aussi. On a dit qu'il était encore plus dangereux pour le monde que le
monde pour lui ne l'était.

Il en est là, rentré depuis six mois à Fontaine3 lorsqu'il perd sa mère.
Cette mort le laisse à découvert. Il voit d'un coup la dérision de ce.monde.
Et sa mère morte va l'orienter vers la seule porte qui s'ouvre pour quelqu'un
bâti comme lui: la plus étroite des portes, mais qui, franchie, à sa passion
des grandes choses donne tout l'espace.

Ses frères sont avec le duc4 au siège de Grancey. Il va les voir. En

chemin il entre dans une église: tout en pleurs, il prie Dieu de lui faire

connaître sa volonté et de lui donner le courage de la suivre. La prière

finie, il se sent une forte résolution d'entrer à Cîteaux5.

Un temps était venu où Cluny6 avait paru à quelques-uns de ses fils


avoir perdu le sens de la pauvreté monacale. En 1098, ceux-là s'étaient
installés dans les marais de la Saône, au milieu des forêts. Et ils avaient
restauré la règle en sa pureté première.

Lorsque Bernard dit à son père, à ses frères, qu'il veut se faire moine la,
vivre de pain d'orge, et de la houe piocher comme le dernier des serfs, ils
haussent les épaules. Mais lui, déjà prophète, il sait qu'il les aura7. Même
celui qui a deux filles, sa femme lui ayant rendu sa liberté pour se faire elle
aussi moniale. Même celui qui aime tant les armes. (Comme Bernard le lui
a prédit, il est blessé au côté et fait prisonnier; son cœur change; du coup il
est guéri, et délivré par miracle.) Enfin tous ils suivent Bernard; et des amis
avec eux; ils sont près de trente. «Adieu, mon petit frère Nivard, dit l'aîné
au plus jeune: vous aurez seul tout notre bien. — Eh oui, leur réplique-t-il,
vous me laissez la terre et vous prenez le Ciel: je ne veux pas de ce
partage.» Plus tard, il ira les rejoindre. Leur père a dû tout accepter.

«Du moins modérez-vous! Je vous connais! on aura du mal à vous
contenir.»

De fait, ils seront terribles. Ils refusent de parler à leur sœur Humbeline,
parée en demoiselle. L'un d'eux, qui veut être poli, la traite seulement de
stercus invo-lutum. (...) Elle fond en larmes; elle leur fait dire qu'elle vient
à eux comme à des médecins qui ne doivent pas refuser de la guérir. Ii-
sortent alors et lui parlent; et elle, elle réglera sa vie sur celle de leur mèn
finalement elle se fera religieuse**.

HENRI FOURRAT. Saints de France (1951)
Примечания:

1. Imparfait de durée. 2. Pour cette fois. Cette fois, enfin. 3. Бернард родился в замк
расположенном неподалеку от Дижона. 4. С герцогом Бургундским. 5. Монастыр
который прославил Бернард, прежде, чем о'сновал Клерво. 6. Знаменитое аббата и
основанное в X веке в Бургундии, боровшееся за строгое соблюдение устава бенеди
тинского ордена. 7. Он их переубедит, переборет (разг.). 8. Букв, кал, облаченш
(в одежды) (лат.).

Вопросы::

* Appréciez le rythme et la construction de cette phrase.

** Cette page est vigoureuse et sobre — non dépourvue parfois d'une certaine brutali'1-"
Montrez-le.


SAINT VINCENT DE PAUL (1576-1660)

VINCENT DE PAUL est une des plus émouvantes figures du clergé français. Car il
fut l'incarnation même de l'esprit de charité. Chanté poussée à l'extrême, ournée
vers les créatures les plus déshéritées: forçats et enfants trouvés, par exemple.
Charité constructive aussi, puisque le saint homme sut fonder des congrégations
comme celle des Petites Sœurs des Pauvres ou celle des Prêtres de la Mission.
C'est à l'aumônier des galériens surtout (qu'HENRI LAVEDAN a voulu rendre
hommage: s'il ne le fait pas sans grandiloquence, du moins souligne-t-il
l'action extraordinai-rement bienfaisante de Monsieur Vincent en faveur des
plus abandonnés de ses frères...

Dès son arrivée dans un port, il se fait conduire au quai où mouillent1
les galères, il y monte, et le voilà qui, descendant du coursier', se faufile,
de rang en rang, parmi les forçats, sans crainte ni honte de les coudoyer. Il
les contemple chacun, de tout près, les yeux dans les yeux, car il demande,
lui, il prie qu'on le regarde, afin qu'il puisse ainsi pénétrer mieux jusqu'au
fond des âmes, jusqu'à cette «cale où il sait que sont les vivres». Ces
hommes n'y comprennent rien. Ils attendent. Que nous veut-il?» Vincent
les interroge. Il fait plus: il les écoute! Et quelle patience! Leurs plaintes? Il
les accepte. Leurs rebuffades? Jl les subit. Puis il se penche... et il s'émeut.
Il a vu «les chaînes». «Ah! mes pauvres enfants! C'est donc cela vos fers?
— Oui! Tenez! Pesez!» Et on les lui montre, on les lui tend avec la
complaisance et l'orgueil de l'esclave. Leur pensée,se devine: «Hein! Qui
donc, en dehors de nous, porterait pareil poids? Personne au monde!
Personne! Quelle force il faut! C'est que nous sommes les forçats, nous! les
galériens!» Vincent approuve, admire, il soulève les fers et il les baise!
A ce coup, les hommes sont tout saisis et se font des signes...: «Baiser des
fers! et les fers d'un forçat! pendant qu'il est dedans! Non! cela ne s'est
jamais vu! // se moque! ou bien il est fou!» Pourtant ce baiser de prêtre à.
leurs chaînes, il leur semble que c'est à eux qu'il a été donné. Et puis,
comme si Vincent avait conscience que cela ne suffit pas, il les caresse et
les embrasse aussi, les enchaînés, avec des mots d'une douceur qui les fait
défaillir... Quelques-uns, parmi les plus scélérats, qui n'ont jamais pleuré,
sentent couler, pour la première fois, se demandant si ce n'est pas du sang,
des larmes chaudes sur leurs joues et ils voient «Monsieur l'aumônier des
galères» qui pleure aussi avec eux. Sont-ils en train de manger, il goûte
à leur pitance et boit dans leur écuelle l'eau saumâtre, qu'il trouve bonne.
Arrive-t-il en pleine bastonnade, il crie: «Arrêtez!..» Il demande grâce et
l'obtient. D'ailleurs jamais, une fois qu'il est là, on n'oserait, devant lui,


battre et même punir d'un châtiment mérité un de ses «enfants». Il le sait
bien; et eux aussi le savent. Ils voudraient donc le retenir, mais ils n'en 0nt
pas besoin, car dans la même pensée il reste leur tenir compagnie le plus
longtemps possible; et il ne les quitte qu'en leur promettant de revenir
bientôt. Du haut du coursier, il regarde encore les cent, les deux cents
terribles visages qui rayonnent de sa lumière*...

HENRI LA VEDAN. Monsieur Vincent aumônier des galères (1928
Примечания:

1. Где стоят на якоре. 2. Ou la coursive, переход, соединяющий нос и корму галер,
над скамьями, к которым прикованы каторжники. 3. S'ils sont...

Вопросы:

* Montrez l'effet de vigueur et de naturel obtenu par un adroit emploi du style direct.

L'ABBÉ JEANNE

Le christianisme social, et si l'on veut militant, n'a point attendu le XXe siècle
pour faire son apparition en France. Vincent de Paul déjà, et surtout cet étonnant
mouvement que déclenchèrent aux environs de 1840 un Lamennais, un
Lacordaire, un Ozanam, qui fonda la Société Saint-Vincent-de-Pa'ul, témoignent
assez de cet élan de charité active, qui a poussé tant de prêtres français à se
rapprocher du peuple et qui a même inspiré à certains d'entre eux l'idée
courageuse de partager effectivement la condition ouvrière...
Dans l'un de ses ouvrages, qu'il a consacré aux Humbles, JULES ROMAINS s'est plu
à imaginer un apôtre de ce genre: l'abbé Jeanne, qui ne dédaigne pas d'aller
dans les quartiers populaires porter aide à une jeune maman dans la misère.

L'abbé frappe à la porte. Il entend crier: «Entrez!» par une voix qu'il
reconnaît.

«Oh! c'est vous, monsieur l'abbé!»

Une jeune femme, à demi couchée sur un grabat qui touche au sol.
écarte de sa poitrine l'enfant qu'elle allaitait, et se couvre vivement le sein
avec un torchon à rayure rouge.

«Continuez, je vous prie, de nourrir votre enfant», dit Jeanne.

Elle hésite, sourit d'un air confus, réussit presque à rosir dans sa pâleur;
puis elle reprend son enfant, écarte le torchon, et laisse voir un sein très


peu gonflé, aux attaches maigres, à la peau brunâtre, un pauvre sein
rarement lavé.

«Vous allez mieux? dit Jeanne.

— Oui, un peu.

— Et le petit se nourrit bien?

— Il se nourrirait bien, mais c'est moi qui ai très peu de lait. Asseyez-
vous donc, monsieur l'abbé.»

Il s'assied sur la chaise unique, dont le paillage crevé laisse pendre ses
entrailles, puis il commence à défaire les ficelles de son paquet.

«Je vous ai apporté une ou deux petites choses. Oh! ce n'est presque
rien,, malheureusement. D'abord j'ai remarqué que vous aviez beaucoup de
peine à faire chauffer ce qu'il vous faut sur ce réchaud à charbon de bois.
Et puis le charbon de bois, ce n'est pas très sain pour vous ni pour votre
enfant. Je vous ai donc apporté un petit réchaud à alcool. Le
fonctionnement est très simple. Je vous montrerai (...). Dans cette boîte-ci,
vous avez un certain nombre de doses de potage condensé. Je ne vous dis
pas que ce soit bien merveilleux. Mais ça contient tout de même des
principes nutritifs, et c'est tellement facile à préparer. D'ailleurs, nous
allons faire un essai, si vous permettez. Ne vous dérangez pas. Où est-ce
que je trouverai un peu d'eau?

— Dans cette casserole, sous la brique, à côté de vous, monsieur
l'abbé. — L'eau est propre? D'où vient-elle?

— C'est un voisin qui me l'a donnée, hier. Il va la chercher à une
fontaine... oh! assez loin d'ici... en tirant1 sur Saint-Ouen.

— Vous voyez comme le réchaud est facile à allumer. Je puis me servir
de la casserole? Dès que l'eau va bouillir, j'y verserai le contenu d'une de
ces petites boîtes. Dites-moi où je trouverai une cuiller, et une tasse.

— Je n'ai plus de tasse. Il doit y avoir deux bols l'un dans l'autre, par
terre, derrière vous.»

La flamme bleue danse comme un esprit favorable. L'enfant pousse
parfois un gémissement. Le prêtre surveille l'eau, attend les premières
bulles. Il jette un peu d'eau dans le plus grand des deux bols, le rince
discrètement; puis, après une hésitation, en fait autant pour l'autre.

«Ça m'ennuie de vous laisser faire ça, monsieur l'abbé. Si j'avais su, je
me serais levée avant que vous ne soyez là.

— Mais non. J'en ai l'habitude. Chez moi, je n'ai pas toujours quelqu'un
Pour me servir*.»

JULES ROMAINS. Les Hommesde Bonne Volonté, Les Humbles (1933).


Примечания:

1. En allant dans la direction de Saint-Ouen.

Вопросы:

* Montrez que la charité lie l'abbé Jeanne est une charité efficace et active.

Soulignez la simplicité, très expressive, du style et du vocabulaire.

VOCATION DES CARMÉLITES

Nombreuses sont les Françaises qui entrent en religion. Et le dévouement que
certaines (l'entre elles, les Petites Sœurs des Pauvres notamment, apportent
à soigner les malades, les orphelins, les infirmes, les vieillards, force l'admira-
tion générale.

De toutes les religieuses, il en est peu qui obéissent à une yègle aussi sévère
que les Carmélites. Mais c'est de cette rigueur même qu'elles tirent l'essentiel
de leur courage. Il revenait au génie brûlant de GEORGES BERNANOS d'exalter
cette héroïque vertu, ainsi qu'on le verra dans la scène où l'écrivain met en
présence la Prieure du Carmel de Compiègne et la jeune Blanche de la Force,
qui, en pleine période révolutionnaire, sollicite son admission dans la sainte
maison.

LA PRIEURE1. — Qui vous pousse au Carmel?

BLANCHE. — Votre Révérence m'ordonne-t-elle de parler tout à fait
franchement?

LA PRIEURE. — Oui.

BLANCHE. — Hé bien, l'attrait d'une vie héroïque.

LA PRIEURE. — L'attrait d'une vie héroïque, ou celui d'une certaine
manière de vivre qui vous paraît — bien à tort — devoir rendre l'héroïsme
plus facile, le mettre pour ainsi dire à la portée de la main?..

BLANCHE. — Ma Révérende Mère, pardonnez-moi, je n'ai jamais fait de
tels calculs.

LA PRIEURE. — Les plus dangereux de nos calculs sont ceux que nous
appelons des illusions...

BLANCHE. — Je puis avoir des illusions. Je ne demanderais pas mieux
qu'on m'en dépouille.


LA PRIEURE. — Qu'on vous en dépouille... (Elle appuie sur les trois
mots.)
Il faudra vous charger seule de ce soin, ma fille. Chacune ici a déjà
trop à faire de ses propres illusions. N'allez pas vous imaginer que le
premier devoir de notre état soit de nous venir en aide les unes aux autres,
afin de nous rendre plus agréables au divin Maître, comme ces jeunes
personnes qui échangent leur poudre et leur rouge avant de paraître pour le
bal. Notre affaire est de prier, comme l'affaire d'une lampe est d'éclairer. Il
ne viendrait à l'esprit de personne d'allumer une lampe pour en éclairer une
autre. «Chacun pour soi», telle est la loi du monde, et la nôtre lui ressemble
un peu: «Chacun pour Dieu!» Pauvre petite! Vous avez rêvé de cette
maison comme un enfant craintif, que viennent de mettre au lit les
servantes, rêve dans sa chambre obscure à la salle commune, à sa lumière,
à sa chaleur. Vous ne savez rien de la solitude où une véritable religieuse
est exposée à vivre et à mourir. Car on compte un certain nombre de vraies
religieuses, mais bien davantage de médiocres et d'insipides. Allez, allez!
ici comme ailleurs le mal reste le mal, et pour être faite d'innocents
laitages, une crème corrompue ne doit pas moins soulever le cœur qu'une
viande avancée... Oh! mon enfant, il n'est pas selon l'esprit du Carmel de
s'attendrir, mais je suis vieille et malade, me voilà très près de ma fin, je
puis bien m'attendrir sur vous... De grandes épreuves vous attendent, ma
fille*...

BLANCHE. — Qu'importé, si Dieu donne la force!
(Silence.)

LA PRIEURE. — Ce qu'il veut éprouver en vous, n'est pas votre force,
mais votre faiblesse...

(Silence.)

... Les scandales que donne le monde ont ceci de bon qu'ils révoltent les
âmes comme la vôtre. Ceux que vous trouverez ici vous décevront. A tout
prendre, ma fille, l'état d'une religieuse médiocre me paraît plus déplorable
que celui d'un brigand. Le brigand peut se convertir, et ce sera pour lui
comme une seconde naissance. La religieuse médiocre, elle, n'a plus
a naître, elle est née, elle a manqué sa naissance, et, sauf un miracle, elle
restera toujours un avorton2.

GEORGES BERNANOS. Dialogues des Carmélites, 2e tableau, scène 1 (1949).


Примечания:

1. Приоресса, настоятельница монастыря. 2. Недоноском, т.е. слабым, болезнен
ным ребенком.

Вопросы:

* Dans cette tirade de la prieure, appréciez la justesse, la force des images et des
comparaisons.




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Дата добавления: 2015-06-28; Просмотров: 340; Нарушение авторских прав?; Мы поможем в написании вашей работы!


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