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Jacques Cartier (1491 1557) remonte le saint-laurent 1 страница




La France -possède une trop belle ceinture de côtes pour n 'avoir pas produit
une longue série de marins intrépides. Le plus glorieux de tous est sûrement
Jacques Cartier, qui, parti de Saint-Malo en 1534, découvrit Terre-Neuve,
puis, remontant un des bras du Saint-Laurent, fut le premier explorateur du
Canada. Au cours de son second voyage, qui le conduisit jusqu'à l'empla-
cement actuel de Montréal, il prit même possession du pays au -nom du roi. Et
l'on sait que, si les Français furent, au XV1IJ e siècle, chassés de cet immense
territoire, ils y laissèrent assez de colons pour que le Canada soit aujourd'hui,
pour plus d'un quart, peuplé de. leurs descendants qui continuent à parler la
langue de leur vieille patrie.

Le 19 septembre, Cartier se lança de nouveau vers l'ouest.

Un bon vent et le flot de la marée emportèrent / 'Emerillon et les deux
barques vers l'amont du Saint-Laurent. Cartier admirait ce magnifique
fleuve qui, à deux cents lieues de son embouchure, était assez profond pour
qu'un navire de quarante tonneaux2 pût y tracer sa route et assez large pour
que l'eau douée fût vivifiée par les lames de l'océan.

Son goût et son odeur étaient encore le goût et l'odeur de la mer. Les
poissons de ses eaux possédaient encore la saveur des poissons marins.
Une paix singulière emplissait l'âme de Cartier.

N'avait-il pas lutté pendant des années pour parvenir là où il se trouvait?
Avec quelle constance et quelle patience!

Deux ans plus tôt, Terre-Neuve et le Canada étaient encore inconnus.
Avec exactitude, sans hâte, il en avait reconnu les côtes. Il avait remonté le
Saint-Laurent jusqu'à Sainte-Croix. Il avait scellé un pacte d'amitié avec les
hommes du pays. Aujourd'hui il pénétrait au cœur du Canada. Aujourd'hui
l'étrave de / 'Emerillon dont il tenait la barre, comme le soc d'une charrue,
se frayait un chemin dans cette belle terre vierge chargée de chanvre, de
millet, de raisin.

Quel calme en Jacques Cartier!

L'hiver déjà commençait, les vents du nord étaient chargés de froid, la
brume souvent rôdait sur l'eau en nuages épais, les manœuvres étaient
pénibles. Mais Cartier atteignait le but.

En France, il avait déposé des copies de ses cartes et de ses
observations. En arrière, deux de ses navires se trouvaient en sûreté,
protégés contre l'eau, contre les troncs d'arbres emportés par l'eau, contre la
glace qui viendrait.


Même s'il périssait au cours de cette dernière expédition, son œuvre
aurait un sens et une suite. Mais jusqu'où l'eau le conduirait-elle?

Parviendrait-il à la capitale de la Chine source inépuisable de richesses
que deux siècles plus tôt Marco Polo4 avait atteinte par l'est?

Il interrogeait les hommes que le galion5 et les barques rencontraient.
Tous l'attendaient et le reconnaissaient. De rivière à rivière, de mont
à mont, des signaux discrets avaient fait connaître le passage prochain du
chef blanc, de ses compagnons et de son vaisseau, de l'homme qui avait
conduit Taiognagny et Domagaya6 en une contrée lointaine et mystérieuse.

Les récits mêmes des deux indigènes revenus de France étaient passés
des uns aux autres. Cartier était précédé de sa renommée de grand chef,
d'homme savant et juste qui distribuait des richesses.

Et les chasseurs descendus des montagnes, les pêcheurs habitant les
rives du fleuve se pressaient autour des barques. Ils offraient du gibier, des
poissons, des fruits... Ils avertissaient des dangers que cachait l'eau.

Là, des rochers immergés éventreraient7 les coques. Plus loin, la
mâchoire rocheuse se resserrait, l'eau avait creusé son lit en profondeur et
des tourbillons puissants se saisissaient des pirogues.

Cartier remerciait en distribuant des haches, des vêtements, des
verroteries, puis reprenait en main la barre de l'Emerillon et lançait ses
bâtiments à l'assaut des tourbillons, vers l'ouest.

Le 28 septembre, le courant s'apaisa, les rives s'écartèrent et une vaste
nappe d'eau se développa devant les étraves.

C'était un froid matin, la brume cachait les montagnes lointaines et une
brise aigre mordait la chair des hommes.

Cartier fit pousser en avant. A douze lieues de là il se heurta à la terre la
longea à droite et revint à l'entrée du lac. Il suivit l'autre rivage et, une
heure plus tard, se retrouva au même point.

Il avait tâté de l'étrave les limites de cette eau calme. Comme un frelon
dans une bouteille, était-il prisonnier?

Pourtant, tout au long de la route, les pêcheurs et les chasseurs avaient
affirmé que l'eau le conduirait jusqu'à Hochelaga8.

Ils hélèrent9 cinq indigènes aperçus sur un îlot. L'un d'eux vint, entra
sans crainte dans l'eau, saisit Cartier dans ses bras et le porta à terre. Eux
aussi, qui étaient des chasseurs de rats, avaient entendu parler du
navigateur.

Oui, l'eau, dirent-ils, les conduirait à Hochelaga, qui se trouvait à trois
jours de pirogue du lac. Ici, il fallait abandonner le galion, car la rivière qui
conduisait à Hochelaga avait construit en débouchant dans le lac un seuil


de sable et de galets que l 'Emerillon ne pouvait franchir.

Et, avant d'atteindre le lac, elle se divisait en cinq bras qui se «lissaient
dans l'eau calme, dissimulés par les îlots d'alluvions qu'ils avaient formés.

Cartier rechercha un abri pour son vaisseau de quarante tonnes, laissa à
bord quelques compagnons, franchit un seuil avec les barques et alla de
l'avant.

A l'aube du 19 octobre, plus de mille hommes, femmes et enfants,
entouraient les deux barques.

Hochelaga était atteinte*.

EDOUARD PEISSON. Jacques Cartier, navigateur (1941)
Примечания:

1. Название корабля Ж Каргье. 2. On dirait plutôt aujourd'hui: de quarante tonnes.

3. Подобно Христофору Колумбу, который, открыв Америку. бы;[ убежден, что при-
плыл в Индию, Жак Картье, достигнув Канады, считал, чю находится в Китае

4. Марко Поло (ок. 1254 - 1324) — венецианец, совершивший путешествие чере» всю
Азию в Китай, где прожил 17 лет, после чего морем вернулся в Италию. 5 Галион -
парусный корабль XVI - XVII веков с пушечным вооружением. 6. Двое шпейцев,
которых Картье привез во Францию после своего первого путешествия в Канаду
7. Futur de passé. 8. Город, расположенный на реке св.Лаврентия чуть ниже озера
Онтарио. 9. Окликнули, позвали.

Вопросы:

* Suivez sur une carte l'itinéraire de J. Cartier. — Énumérez toutes les difficultés
rencontrées par le navigateur.

UNE SCIENCE FRANÇAISE:
LA SPÉLÉOLOGIE

//)' a de la grandeur à découvrir des territoires inconnus foui accroîttc la

gloire de sa patrie. Il y en a davantage encore à explorer la terre au nom de la

science pure, sans autre but que de la faire mieux connaître aux autres

hommes.

On comprend donc l'enthousiasme de NORBERT CASTERET pour la spéléologie,

puisque cette science toute récente permet à ses adeptes de s'enfoncer au cœur

de la terre pour lui arracher de nouveaux secrets.


Qui de nous, encore enfant, après avoir lu un voyage autour du monde
ou un récit de grande exploration, n'a pas rêvé d'être un jour navigateur ou
explorateur pour aller à l'aventure sur les océans ou dans un pays lointain
et mystérieux?

Beaucoup certainement ont fait ce rêve, mais pour beaucoup aussi
hélas! il est allé rejoindre depuis longtemps d'autres illusions et enthousi
asmes d'enfance à jamais perdus. D'ailleurs, être chargé de mission et aller
en exploration pour découvrir des terres nouvelles ou traverser des régions
sauvages est presque devenu une éventualité irréalisable, un événement
d'un autre âge. On ne va plus à vrai dire explorer à l'aventure, et les temps
seront bientôt révolus — s'ils ne le sont déjà — des expéditions lointaines
vers des régions mystérieuses, marquées jadis sur les atlas de la mention
troublante «terres inexplorées*»...

Mais si notre planète a été parcourue en tous sens, voire survolée; si
toutes les mers du globe ont été sillonnées ou survolées; s'il ne subsiste
sans doute que peu à découvrir réellement à la surface de la Terre, il reste
à en explorer le sous-sol, à pénétrer dans les arcanes1 vierges de milliers de
mondes souterrains. Ce domaine souterrain est mal connu, et tel qui
rougirait d'ignorer le nom et l'altitude d'une montagne élevée, le nom et la
longueur d'un grand fleuve ou la situation géographique d'un petit pays,
voire d'une ville, ignore totalement les noms, dimensions et lieux des plus
grandes cavernes, des gouffres les plus profonds, des longues rivières
hypogées2 et des puissantes résurgences'.

Oui, le monde souterrain est à coup sûr le moins connu, donc le plus
susceptible de réserver des surprises, de sensationnelles découvertes et des
aventures mouvementées aux explorateurs et aux savants qui s'efforcent de
pénétrer sous terre et qu'un néologisme4 disgracieux et peu euphonique a
affublés du nom de spéléologues.

La spéléologie, ou science des cavernes, est une branche tard venue du
savoir humain, beaucoup plus variée et passionnante qu'on ne le croit
généralement, car il y a dans les entrailles de la terre de quoi étonner et
émouvoir l'être le plus fruste, de quoi faire rêver le poète et le philosophe,
et matière à intriguer et à confondre le savant** (...).

Énumérer les branches de la science qui peuvent être étudiées sous terre
équivaudrait à entamer une nomenclature copieuse et difficilement
restrictive des sciences naturelles. Tout ce que l'on peut dire, c'est que la
France est un pays privilégié au point de vue spéléologique. Elle est riche
en outre en cavités pittoresquement aménagées pour les curieux, les
touristes qui par milliers chaque année visitent ces cavernes. Quant aux


spéléologues ils sont actuellement légion.

La spéléologie, née en France vers 1888 avec Martels et une douzaine
de ses émules que l'on ne prenait guère au sérieux, connaît maintenant une
grande vogue, un essor prodigieux.

Il n'est plus dans notre pays une province, un département, une ville qui
ne compte une section de la Société Spéléologique de France, un groupe
d'amateurs de cavernes ou des équipes d'Eclaireurs et de Scouts
spéléologues.

Toute une jeunesse avide de sensations neuves et fortes, attirée par le
mystère des cavernes, le goût du risque et de l'aventure, l'attrait d'études
variées et passionnantes, se voue aux recherches souterraines et explore ce
domaine nouveau, riche de promesses et de révélations sensationnelles,
d'où la science n'est pas exclue, car la spéléologie est un sport au service de
la science, de multiples sciences.

NORBERT CASTERET. L'Homme et le Monde souterrain.
Примечания:

1. Секреты, тайны. 2. I реческое слово, означающее подземный 3 Выход подзем-
ных вод на поверхность. 4 Неологизм, i e недавно возникшее и вошедшее в обиход
слово. 5 Основатель Общества спелеологии

Вопросы:

* Quelles ыщтt les terres qui, aujourd'hui encore, restent inexplorées9

** Essayez de piéciser en quoi la spéléologie peut intéresser le poète, le philosophe «ш«bien que
le
savant

LE VOL HISTORIQUE DE LOUIS
BLÉRIOT

Dans le domaine de l'aviation, les Français ont souvent joué un rôle de
premier plan. Ils pourraient s'enorgueillir d'avoir, avec Ader, créé le premier
aéroplane volant, que son inventeur baptisa du nom giacieux d'avion (1897).
Mais l'initiateur essentiel, celui qui s'est acquis la double gloire d'être le
constructeur et le pilote du premier appareil capable de traverser la mer, c'est
Louis BLÉRIOT. Le 25 juillet 1909, il parvint à survoler la Manche et à joindre,
en trente-deux minutes, la France à l'Angleterre. Un monument, élevé en sol
britannique, marque d'ailleurs le point précis où s'acheva cet exploit.


A 4 heures 41, je décollai le 25 juillet 1909. J'étais quelque peu ému.
Qu'allait-il m'arriver? Atteindrais-je Douvres ou me poserais-je au milieu
de la Manche?

Je piquai directement vers la côte anglaise, m'élevant progressivement
mètre par mètre. Te passai au-dessus de la dune d'où Alfred Leblanc1
m'envoyait ses souhaits. J'étais entre le ciel et l'eau. Du bleu partout.

A partir du moment où j'eus quitté le sol, je n'éprouvai plus la moindre
émotion et n'eus plus le temps d'analyser mes impressions. C'est par la suite
que je me rendis compte des risques courus et de l'importance de mon vol.

Là-haut, je trouvais seulement que ma vitesse était bien au-dessous de
ce que j'espérais. Cela tenait au tapis uniforme qui s'étendait sous mes
ailes. Je n'avais pas le moindre point de repère, alors que sur la terre, les
arbres, les maisons, les bois constituent autant de bornes permettant d'avoir
une idée de l'allure de l'appareil en vol. Survoler l'eau est d'une monotonie
exaspérante.

Pendant les dix premières minutes, je me dirigeai perpendiculairement
à la côte, laissant à ma droite le contre-torpilleur Escopette, chargé de me
convoyer et que je dépassai rapidement.

Sans boussole, perdant de vue la terre de France, ne distinguant pas le
territoire anglais, j'immobilisai mes deux pieds pour ne pas bouger le
gouvernail de direction. J'avais peur de dériver.

Pendant dix nouvelles minutes, je volai à cent mètres en aveugle, droit
devant moi. L'Escopette était loin derrière. Je n'avais plus le moindre
guide. Mon isolement était sinistre.

Enfin, voici à l'horizon une ligne grise. L'espoir du triomphe naît en
moi. J'approche. Je fais environ soixante à l'heure. Le vent s'élève. Je
m'aperçois que j'ai été déporté de plus de six kilomètres vers la droite
malgré mes précautions. Au lieu de me trouver face à Douvres, je suis
devant Saint-Margaret.

Trois bateaux s'offrent à ma vue. Les équipages agitent leurs casquettes,
leurs bras, me faisant part de leur enthousiasme. Oui, mais j'aimerais mieux
apprendre d'eux de quel côté me diriger, d'autant plus que je ne sais pas ce
qui m'attend, n'ayant pas eu la possibilité de venir étudier les terrains
susceptibles de me recevoir.

A Saint-Margaret, les falaises sont trop hautes. Chaque fois que je tente
de passer au-dessus, un remous me rabat de vingt mètres. Le sol
britannique se défend vigoureusement. Vais-je être obligé d'abandonner
alors que je touche au port? Et ma provision d'essence qui doit commencer
à s'épuiser... Il faut me dépêcher et sortir de cette prison dans laquelle je


semble enfermé.

Pour gagner Douvres, je vole dans le sens des petits bateaux qui,
au-dessous de moi, semblent rentrer. Je longe la côte du nord au sud.
О joie! Elle commence à décroître. Je peux passer. Mais le vent, qui s'est
levé et contre lequel je lutte désespérément, reprend de plus belle.

Tout à coup j'aperçois un drapeau tricolore qu'on agite avec fureur. Je
me rappelle alors que le journaliste français Fontaine m'avait écrit qu'il me
signalerait de la sorte un endroit propice pour l'atterrissage. Je n'y pensais
plus. C'est lui. Quel bonheur! Je vais pouvoir me poser.

Je me précipite vers la terre où je suis ainsi appelé et me prépare
à atterrir. Je subis des remous — tant pis. Je suis renvoyé par un tourbillon
en approchant du sol. Qu'importé. Je peux bien risquer de casser une fois
de plus mon matériel. Le jeu en vaut la chandelle. Je coupe l'allumage
à vingt mètres de haut et j'attends. Il n'est pas d'exemple que, dans pareil
cas, on s'éternise en l'air. Le sol opère comme un aimant: mon fidèle Bl.-XI
s'en tire avec l'hélice brisée, le châssis endommagé*.

LOUIS BLÉRIOT (cité par Jacques Mortane).
Примечания:

1. Преданный друг Луи Блерио.
Вопросы:

*'D'après ce récit, quelle idée peut-on se faire de la difficulté de l'expiait réalisé par
Louis Blériot?
Montrez l'extrême simplicité avec laquelle s'exprime l'aviateur.

MAURICE HERZOG ET LOUIS
LACHENAL À L'ANNAPURNA

Dans l'histoire de l'alpinisme, c'est une très grande date que celle du 3 juin
1950: ce jour-là, des hommes, pour la première fois, gravirent un des plus
hauts sommets de l'Himalaya et dépassèrent l'altitude, jamais atteinte encore,
de 8 000
mètres.

Ces hommes étaient deux Français: MAURICE HERZOG et Louis LACHENAL, le
premier un intellectuel, le second un guide de l'école de Chamonix. Sept
camarades, de même nationalité, les avaient accompagnés.

Maurice Herzog, le narrateur, et Louis L.acbenal ont quitté le dernier camp de
base pour tenter l'escalade de l'A.nnapurna. il fait affreusement froid, mais ils
montent quand même1.


Avec la neige qui brille au soleil et saupoudre le moindre rocher, le
décor est d'une radieuse beauté qui me touche infiniment. La transparence
absolue est inhabituelle. Je suis dans un univers de cristal. Les sons
s'entendent mal. L'atmosphère est ouatée.

Une joie m'étreint; je ne peux la définir. Tout ceci est tellement nouveau
et tellement extraordinaire!

Ce n'est pas une course comme j'en ai fait dans les Alpes, où l'on sent
une volonté derrière soi, des hommes dont on a obscure conscience, des
maisons qu'on peut voir en se retournant.

Ce n'est pas cela.

Une coupure immense me sépare du monde. J'évolue dans un domaine
différent: désertique, sans vie, desséché. Un domaine fantastique où la
présence de l'homme n'est pas prévue, ni peut-être souhaitée. Nous bravons
un interdit, nous passons outre à un refus, et pourtant c'est sans aucune
crainte que nous nous élevons (...).

L'arête sommitale2 se rapproche.

Nous arrivons en contrebas de la grande falaise terminale. La pente en
est très raide. La neige y est entrecoupée de rochers.

«Couloir!..»

Un geste du doigt. L'un d'entre nous souffle3 à l'autre la clé de la
muraille. La dernière défense!

«Ah!., quelle chance!»

Le couloir dans la falaise est raide, mais praticable.

«Allons-y!»

Lachenal, d'un geste, signifie son accord. Il est tard, plus de midi sans
doute. J'ai perdu conscience de l'heure: il me semble être parti il y a quel-
ques minutes.

Le ciel est toujours d'un bleu de saphir. A grand-peine, nous tirons vers
la droite et évitons les rochers, préférant, à cause de nos crampons, utiliser
les parties neigeuses. Nous ne tardons pas à prendre pied dans le couloir
terminal. Il est très incliné... nous marquons un temps d'hésitation.

Nous restera-t-i'l assez de force pour surmonter ce dernier obstacle?

Heureusement la neige est dure. En frappant avec les pieds et grâce aux
crampons, nous nous maintenons suffisamment. Un faux mouvement serait
fatal. Il n'est pas besoin de tailler des prises pour les mains: le piolet
enfoncé aussi loin que possible sert d'ancré.

Lachenal marche merveilleusement. Quel contraste avec les premiers jours!
Ici, il peine, mais il avance. En relevant le nez de temps à autre, nous voyons le
couloir qui débouche sur nous ne savons trop quoi4 une arête probablement.


Mais où est le sommet?

A gauche ou à droite?

Nous allons l'un derrière l'autre, nous arrêtant à chaque pas. Couchés
sur nos piolets, nous essayons de rétablir notre respiration et de calmer les
coups de notre cœur qui bat à tout rompre.

Maintenant, nous sentons que nous y sommes. Nulle difficulté ne peut
nous arrêter. Inutile de nous consulter du regard: chacun ne lirait dans les
yeux de l'autre qu'une ferme détermination. Un petit détour sur la gauche,
encore quelques pas... L'arête sommitale se rapproche insensiblement.
Quelques blocs rocheux à éviter. Nous nous hissons comme nous pouvons.
Est-ce possible?..

Mais oui! Un vent brutal nous gifle.

Nous sommes... sur l'Annapurna.

8 075 mètres.

Notre cœur déborde d'une joie immense.

«Ah! les autres!., s'ils savaient*!»

Si tous savaient!

Le sommet est une crête de glace en corniche. Les précipices, de l'autre
côté, sont insondables, terrifiants. Ils plongent verticalement sous nos
pieds. Il n'en existe guère d'équivalents dans aucune autre montagne du
monde.

Des nuages flottent à mi-hauteur. Ils cachent la douce et fertile vallée de
Pokhara à 7 000 mètres en dessous. Plus haut: rien!

La mission est remplie. Mais quelque chose de beaucoup plus grand est
accompli. Que la vie sera belle maintenant!

Il est inconcevable, brusquement, de réaliser son idéal et de se réaliser
soi-même.

Je suis étreint par l'émotion. Jamais je n'ai éprouvé joie aussi grande ni
aussi pure.

Cette pierre brune, la plus haute; cette arête de glace... sont-ce là des
buts de toute une vie**? S'agit-il de la limite d'un orgueil?

«Alors, on redescend?»

Lachenal me secoue. Quelles sont ses impressions, à lui? Je ne sais.
Pense-t-il qu'il vient de réaliser une course comme dans les Alpes? Croit-il
qu'il faille redescendre comme cela, simplement?

«Une seconde, j'ai des photos à prendre.

— Active»"

Je fouille fébrilement dans mon sac, en tire l'appareil photographique,
prends le petit drapeau français qui est enfoui au fond, les fanions. Gestes


vains sans doute, mais plus que des symboles.: ils témoignent de pensée
très affectueuses. Je noue les morceaux de toile, salis par la sueur ou le
aliments, au manche de mon piolet, la seule hampe6 à ma disposition. Puis
je règle mon appareil sur Lachenal:

«Tiens, tu veux me prendre?

— Passe... fais vite!» me dit Lachenal.

Il prend plusieurs photos, puis me rend l'appareil. Je charge en couleurs
et nous recommençons l'opération pour être certains de ramener7 des
souvenirs qui un jour nous seront chers.

«Tu n'es pas fou? me dit Lachenal. On n'a pas de temps à perdre!., faut
redescendre tout de suite***!»

MAURICE HERZOG. Annapurna premier 8000 (1951)
Примечания:

1. После восхождения обоим пришлось ампутировать отмороженные части рук и
ног. 2. Гребень, ведущий к вершине. 3 Один из нас шепотом сказал другому, как мож-
но преодолеть стену. 4. Nous ne savons trop quoi forme une seule expression signifiant,
quelque chose d'imprécis 5. Поторопись, быстрей. 6. Древко знамени. 7 Rapporter eût
été plus correct: ramener ne devrait avoir pour complément que des êtres vivants. Mais cet
emploi s'étend de plus en plus.

Вопросы:

* Pourquoi les deux hommes pensent-ils ainsi à leurs compagnons?

** Vous semble-t-il qu'un exploit d'ordre sportif puisse constituer le but de toute une vie7

*** Étudiez l'attitude du narrateur et celle de son compagnon, le guide Louis Lachenal

SAVORGNAN DE BRAZZA (1852 1905)
OU LE PÈRE DES ESCLAVES

Né à Rome en 1852, entré à l'École Navale en 1868, SAVORGNAN DE BRAZZA fur
naturalisé Français en 1874. Dès lors, il n'eut de cesse, -par des exploration^
conduites au plein cœur de l'Afrique, qu'il n'associât un nouveau territoire à
w
-patrie d'adoption. C'était le Congo.

Mais la plus grande gloire de Brazza, c'est d'avoir renoncé à la conquête par /'v
armes et d'y avoir substitué des moyens purement pacifiques, prouvant ainsi que h
mot de «colonisation», retournant à son sens latin propre, pouvait
et devait -—
désormais prendre une signification proprement humaine...


La Société Historique avait, le 31 octobre 1882, invité Savorgnan de Brazza à
un punch d'honneur. Henri Martin, au nom de la Société, accueillit le célèbre
explorateur en ces termes: «Je salue le jeune et héroïque voyageur qui nous
revient du fond de cette Afrique obscure, champ désormais ouvert à la civilisation
et à la franco. Vous venez d'ouvrir un chapitre à notre histoire coloniale.» C'est
alors que Brazza fit la réponse suivante:

Un chapitre nouveau? La vérité est que je n'en ai écrit qu'une ligne: la
première et la plus modeste.

Pourtant un grand pas est fait. Le drapeau de la France est désormais
planté au cœur de l'Afrique, comme un symbole des idées grandes et
généreuses que la France a toujours, plus que toute autre nation, contribué
à répandre. C'est l'amour de la science qui a conduit Bellot' dans les glaces
du pôle. Aujourd'hui, l'entrée de nos compatriotes en Afrique aura pour
effet d'arrêter à sa source le commerce de chair humaine: la traite des
Nègres. Car la France, en défendant ses intérêts nationaux, n'a jamais
abandonné les intérêts de la civilisation*.




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Дата добавления: 2015-06-28; Просмотров: 393; Нарушение авторских прав?; Мы поможем в написании вашей работы!


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