Il ne lisait que le Populaire, les Chaînes de l'esclavage ou l'Exposé des principes républicains. Semblable en cela à plusieurs milliers de Parisiens de l'époque, il ne pensait qu'à une chose: assassiner Louis- Philippe, qui, en 1830, avait escamoté2 à son profit la république (...)
Un jour de la fin de 1834, un homme pénétra dans l'échoppe:
«Peux-tu me loger?»
Morey accepta. L'homme — il se nommait Joseph Fieschi et était Corse — était pour lui, un pur, un ardent républicain, une victime de la tyrannie (...)
«Supposez, disait-il à Morey, une garnison assiégée qui aurait encore des armes, mais dont les défenseurs seraient peu à peu décimés. Comment résister? Moi, Joseph Fieschi, j'ai inventé le moyen: vingt- cinq fusils posés sur un châssis. Il suffirait d'un homme, d'un seul, pour mettre le feu. Alors, quelle pétarade!»
Et il sortit de sa poche un croquis montrant sa machine.
«Hein, père Morey, c'est cela qu'il vous aurait fallu pour vos barricades!»
Morey regarda puis au bout d'une minute, laissa tomber de sa petite voix douce:
«Ce serait meilleur pour Philippe! (...) Mais je n'ai pas assez d'argent pour payer une aussi belle mécanique.
— Ni moi non plus...
— Laisse-moi ton dessin. Je connais un homme riche qui est bon patriote: s'il croit que le coup peut réussir, il fera les frais.»
Lorsqu'il porta à Pépin3 la maquette4, l'épicier comprit. Décidément, Fieschi était très fort. Rien de plus simple — mais il fallait y penser — que ces vingt-cinq canons de fusil, sagement rangés sur un châssis de bois dont la partie supérieure s'élevait ou s'abaissait, de telle manière que l'on pût pointer avec précision. La décharge se ferait simultanément grâce à une traînée de poudre que l'on allumerait entre la douzième et la treizième culasse. Il suffirait de placer la machine à une fenêtre et d'y mettre le feu au moment où Philippe passerait devant la maison.
«Et cela coûtera combien?5 s'inquiéta l'épicier.
— Tout compris, confection de la machine et loyer de la maison: 500 francs.
— Pour 500 francs! s'exclama Pépin, ce serait dommage de s'en priver. Je vous commandite6.»
Le trio décida d'opérer le 28 juillet suivant. Ce jour-là, anniversaire des «Trois Glorieuses»7, le roi passerait une revue générale de la Garde Nationale, rangée de la Bastille à la Madeleine. Il suffisait de trouver sur le parcours une maison «banale, neutre, à l'abri des curieux et des indiscrets». Ils la trouvèrent au numéro 50 du boulevard du Temple.
(...) Bientôt tout fut prêt.
Le soir du 27 juillet, Morey arrive boulevard du Temple et charge minutieusement les canons jusqu'à la gueule — dix à douze balles par fusil...
Sans doute Fieschi a-t-il promis à ses complices de se tuer «le coup fait», mais le bourrelier se méfie et, en vieux tireur, il prend soin de charger deux ou trois canons en ménageant un intervalle entre la poudre et les balles; ils éclateront et tueront à coup sûr le régicide8...
Les deux hommes font passer un comparse9 à cheval sur le boule- vard et pointent la machine «à hauteur de la poitrine du cavalier».
Le 28 juillet, à dix heures et demie, le roi, suivi de ses fils, Orléans, Joinville et Nemours, des maréchaux Mortier et Maison, de Thiers, du duc de Broglie et d'une cohorte de généraux, arrive à la hauteur du numéro 50. Soudain, Louis-Philippe voit un jet de fumée sortir de la fenêtre du troisième étage. 11 a le temps de dire au prince de Joinville: «Ceci me regarde.»
Au même instant, la fusillade crépite comme un «feu de peloton».
«Me voilà», crie le roi en agitant son chapeau. Une balle lui a seule- ment éraflé le front, mais autour de lui c'est une hécatombe. La machine infernale de Fieschi a fauché la foule: 18 morts et 22 blessés gisent sur le pavé du boulevard. Le maréchal Mortier a été tué raide d'une balle à l'oreille gauche.
О ironie! ce matin-là, les lecteurs du Charivari10 avaient pu lire cette note: «Hier, le roi-citoyen est venu de Neuilly à Paris avec sa superbe famille sans être aucunement assassiné sur la route.»
Fieschi, atrocement blessé par l'éclatement prévu par Morey, fut arrêté alors qu'il essayait de s'enfuir par la rue des Fossés-du-Temple. Morey et Pépin avaient pris tant de précautions... qu'ils se firent prendre. (...)
Ils furent guillotinés tous trois le 19 février 1836.
(...) Barbes et Blanqui11, prévenus par le bourrelier, se tenaient prêts à agir. Si l'attentat avait réussi, la deuxième république serait née treize ans plus tôt.
ANDRÉ CASTELOT. Le Grand Siècle de Paris.
Примечания:
1. Сапожное шило. Морей был шорником и сапожником, чинил обувь и конскую упряжь. 2. Стянул, слямзил, прикарманил. 3. Бакалейщик, который будет "финансировать" покушение. 4. Макет. 5. Construction du français parlé: le mot interrogatif est en fin de phrase. 6. Я вас финансирую, дам денег. 7. Три дня революции 1830 г., в результате которой Луи-Филипп занял королевский трон. 8. Цареубийцу. Зд., Fieschi. 9. Сообщника. 10. Сатирический журнал того времени. 11. Политические деятели республиканской партии, идейные вдохновители рево- люции 1848 года.
ГРАММАТИКА
НЕОПРЕДЕЛЕННАЯ ФОРМА ГЛАГОЛА
(L'INFINITIF)
Случаи употребления неопределенной формыглагола (простой или сложной) крайне разнообразны. В частности, неопределенная форма глагола может играть роль существительного, например:
Подлежащего: «II est nécessaire DE TUER le Roi», dit-il. (= tuer le Roi est nécessaire).
Дополнения:
прямого:Je désire RESTER.
косвенного с предлогом de: Le trio décida D'OPÉRER. — II a promis DE SE TUER.
косвенного с предлогом à: Fieschi réussit À TUER 18 personnes.
Глагол в неопределенной форме имеет свое собственное подлежащее, отличное от основного подлежащего: Le roi voit UN JET DE fumée SORTIR de la fenêtre.
Обстоятельства; например, обстоятельства образа действия:
II passait sa journée A POUSSER L'ALÊNE ET À TROUER LE CUIR;
Le roi-citoyen est venu à Paris SANS ÊTRE ASSASSINÉ sur la route;
— обстоятельства предположения, условия:
À VAINCRE sans péril, on triomphe sans gloire (Corneille): = si on est vainqueur sans péril...
Дополнения к существительному:Le moment D'AGIR est arrivé. — Philippe était un homme À SUPPRIMER, (в значении прилагательного = digne d'être supprimé). — Или просто: Philippe était À SUPPRIMER.
Дополнения к прилагательному:Barbes et Blanqui se tenaient prêts À AGIR.
УПРАЖНЕНИЯ
I) «Et cela coûtera combien?» В какой части предложения находится вопроси- тельное слово? — Как должна быть построена эта фраза в письменном языке? в литературном языке?
II) Объясните значение глаголов в conditionnel: // était aimé d'une fille dont il aurait pu être le père. — // suffirait d'un homme, d'un seul, pour mettre le feu. — C'est cela qu'il vous aurait fallu pour vos barricades! — Ce serait meilleur pour Philippe! — Pour 500 francs, ce serait dommage de s'en priver! — Ce jour-là, le roi passerait une revue générale de la Garde Nationale.
III) Перенесите рассказ о покушении, написанный в présent de narration, в план прошлого. (Со слов: «Le soir du 27 juillet...» до слов: «d'une balle à l'oreille gauche».)
IV) Замените в тексте для чтения глаголы в Indicatif формами infinitif présent и infinitif passé.
V) (а)Составьте 4 предложения в неопределенной формой этих глаголов в роли подлежащего. (В частности, в предложениях с безличными глагольными конструкциями, например: il est nécessaire de tuer le roi.)
(б) Составьте предложения с глаголами в неопределенной форме в роли дополнения (с предлогом или без него).
(в) Составьте предложения с глаголами в неопределенной форме в роли обстоятельства.
(г) Составьте предложения с глаголами в неопределенной форме в роли дополнения к прилагательному или существительному.
VI) Измените конструкцию предложений, поставив глаголы, не выделенные курсивом, в infinitif с предлогом; при этом слова в скобках в новом предложении не потребуются: — II mange, il dort; (voilà à quoi) il passe sa vie. — Cet insolent va entrer ici (et ne) saluera personne. — J'opérerai le blessé; je (V) ai décidé, dit le chirurgien. — Je t'offrirai un beau voyage; je (le) promets. — Donnez-lui dix mille francs, (cela) suffira.
VII) Назовите 10 глаголов, неопределенная форма которых с артиклем может выступать в роли существительного (Напр.: le déjeuner).
VIII) Эссе.Racontez une séance du procès des trois conspirateurs, Fieschi, More) et Pépin, tel qu'on peut l'imaginer d'après la lecture.
ТЕКСТ 66
LA BOURSE
«Ils jouent à l'argent, expliqua Launois.
— Pour le compte des autres, ajouta Noël Francœur. Ceux qui encaissent1 ne se gèlent pas sur les marches2. Pas plus qu'ils ne descendent dans les mines ou ne récoltent le caoutchouc. Et quand un nigaud3 de mon espèce risque sa peau pour enlever Alep ou défendre Damas4, il ne se doute pas que ça sert à enrichir ceux qui spéculent5 sur le pétrole...»
Il gravit quelques marches, suivi de ses compagnons. Sous le péristyle, les commis de coulissiers6 se bousculaient en vociférant devant des tableaux noirs. A chaque valeur qu'inscrivait le préposé. c'était une explosion de cris: «Deux mille deux... Deux cent cinq... Deux cent six...» Rien que des chiffres. Tendant l'oreille, Francœur parvint pourtant à saisir quelques mots. Toujours les mêmes: «J'ai! Je prends! J'ai!» Comme une mystérieuse antienne8.
«Mais ils ont quoi? Ils prennent quoi? finit-il par demander à Toine emmitouflé dans son cachez-nez.
— Rien... Du papier... Du vent», lui répondit la voix enchifrenée9. Ce jeu passionnait tellement les employés de Bourse qu'ils ne semblaient
pas souffrir du froid. «La fièvre les réchauffe», pensa Noël. Quelques frileux seulement battaient la semelle à l'écart, puis retournaient vite se mêler au chœur: «J'ai! Je prends! J'ai! Je prends!» On eût dit un office10 dans un asile de fous. Les clameurs, un instant, devinrent assourdissantes, puis, soudainement, ce fut le silence. Comme si la stupeur eût serré les gorges. Mais cela ne dura que quelques secondes. Les hurlements reprirent, encore plus nourris. La masse humaine entassée derrière les colonnes se disloqua, se répandit sur les marches, toujours vociférant. Certains bondissaient vers les grilles, courant au téléphone. L'un d'eux bouscula Toine Launois. Celui- ci reconnut son confrère de Paris-Midi11 «Qu'est-ce qui se passe?
— Le Syndicat de la coulisse fait annuler les cours du Consortium». Ces mots lancés, l'informateur repartit à toutes jambes. Noël serra les
dents; le bon Toine poussa un gémissement. Coudur, seul, n'avait pas compris.
«Qu'est-ce qu'il gazouille, le frère?12 demanda-t-il timidement à Launois.
— Que les titres de Robinson ne sont plus cotés.
— Ah! Et ça veut dire quoi?
— Qu'il est rainé.»
Coudur en perdit le souffle. Puis, de fureur, il jeta son chapeau par terre et le piétina. Là-haut, le préposé, d'un coup de torchon, effaçait un chiffre sur l'ardoise: c'était fini.
ROLAND DORGELÈS Tout est à vendre.
Примечания:
1. Зарабатывают, зашибают деньги. 2. Имеются в виду ступени величественной лестницы, ведущей в здание Биржи. 3. Простофиля, болван. 4. Намек на военные операции того времени на Ближнем Востоке. 5. Спекулируют. 6. Маклеры, продающие ценные бумаги, не зарегистрированные на Бирже. 7. Celui qui est chargé d'une tâche, préposé à une fonction. 8. Церк. Антифон: песнопение, в котором постоянно повторяются одни и те же слова {=j'ai des valeurs à vendre, à ce prix. Je prends des valeurs à ce prix). 9. Разг. Простуженный, гнусавый. 10. Богослужение. 11. Название газеты. 12. Argot; qu'est-ce qu'il dit, celui-là? On dit plus souvent: qu'est-ce qu'il chante?
ТЕКСТ 67
LE MUSÉE GRÉVIN
«Comment, vous ne connaissez pas le Musée Grévin?
— Oh! vous savez, les musées, je m'y ennuie terriblement. Ces toiles alignées au mur, ces statues qui gardent pour l'éternité des attitudes étranges...
— Vous n'êtes pas un amateur d'art. Mais vous avez le courage de votre opinion! Seulement, voyez-vous, le Musée Grévin n'a aucun rapport avec le «Prado», les «Offices» ou le «Louvre». Connaissez-vous «Madame Tussaud», le musée de Londres?
— Cette galerie de mannequins, grandeur naturelle, représentant des personnages fameux?
— C'est ça. Eh bien, le Musée Grévin en est la réplique1 parisienne, mais une réplique originale. «Madame Tussaud» (que fonda, soit dit en passant, un ménage français, vers 1790) vous offre une collection impressionnante d'instruments de torture ou d'assassinat. Le Musée Grévin, lui, met l'accent moins sur l'horreur que sur le pittoresque2. Ce qui y domine, ce sont les tableaux d'histoire où les lieux sont recon- stitués avec autant de fidélité que les costumes et les visages.
— Par exemple?
— Par exemple, la vie de Jeanne d'Arc, les journées les plus célèbres de la Révolution française, une réception chez Bonaparte à la Mal- maison...
— Vous n'allez tout de même pas prétendre que les visages sont ici des portraits exacts?
— Presque! Car partout où un document a pu servir de modèle, le personnage a été figuré avec une vérité scrupuleuse. Parfois, même, vous avez sous les yeux des objets réels, authentiques: ainsi cette baignoire où Marat, le fameux Révolutionnaire, gît poignardé, c'est vraiment celle qui servait à ses bains... Le tableau est saisissant: Char- lotte Corday, la meurtrière, debout, hautaine et impassible près du cadavre, tandis que la foule ameutée par la servante enfonce la porte...
— Mais «Tussaud» représente beaucoup de personnages contem- porains...
— Le Musée Grévin aussi: vous y verrez le Président de la Répub- lique, des ministres, les principaux hommes d'Etat du monde entier, les cosmonautes, les triomphateurs du Tour de France cycliste, que sais-je encore?
— Et ces gens-là ont posé devant les imagiers?
— Oui, souvent... Ce n'est pas le cas, évidemment, de ce modeste citoyen (en cire!) que vous trouverez assoupi sur une banquette, un journal étalé sur les genoux... Il a une amusante histoire. Figurez-vous qu'on avait d'abord mis dans ses mains un numéro du Gaulois, quotidien de l'époque. Le directeur du Gaulois se fâcha tout rouge: «Vous avez l'air d'insinuer, dit-il, que la lecture de mon journal est endormante!»; on remplaça le Gaulois par d'autres quotidiens. Et les directeurs de protester tour à tour. On eut alors une excellente idée: celle de glisser entre les mains du dormeur le Journal officiel de la République française. Et ce fut un éclat de rire général...»
G. M.
Примечания:
1. Повторение, подобие. 2. Делает упор не столько на ужасное, сколько на живописность (выразительность).
ГРАММАТИКА___________________________
НЕОПРЕДЕЛЕННАЯ ФОРМА ГЛАГОЛА (продолжение)
I. — Инфинитив употребляется для выражения приказа и запрета. В данном случае инфинитив по значению приближается к повелительному наклонению (impératif), но приказ или запрет, выра- женный инфинитивом, относится не к конкретному лицу, а ко всем окружающим, к любому потенциальному слушателю или читателю. В данном значении инфинитив употребляется в поговорках, объявлениях, кулинарных и медицинских рецептах:
S'ESSUYER les pieds en entrant dans le Musée. — NE PAS FUMER!
II. — Инфинитив употребляется для выражения негодования, возмущения:
Moi! CROIRE à ces racontars!
III. — Инфинитив в повествовании может употребляться в значении indicatif passé, и в этом случае перед ним стоит предлог de:
Et les directeurs DE PROTESTER tour à tour. (= Les directeurs protestèrent.).
IV. — Инфинитив может выражать вопрос — точнее, сомнение, колебание. Если перед глаголом в неопределенной форме стоит вопроси- тельное слово (quoi? que? comment? où?), это означает, что лицо, высту- пающее в роли подлежащего, спрашивает себя, что делать, что можно было бы сделать в той или иной ситуации:
QUE FAIRE? QUE DIRE? QUE RÉPONDRE? COMMENT SORTIR D'ICI? OÙ ALLER? (= Que dois-je faire? Que dois-je dire? и т.д.).
V. — Б придаточном относительном предложении инфинитив
заменяет наклонение, обозначающее возможность (subjonctif или conditi- onnel). В этом случае относительное предложение всегда вводится пред- логом:Je n'ai personne AVEC QUI CAUSER (= avec qui je causerais, avec qui je puisse causer).
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