Le général Santerre entra1 le chapeau sur la tête. Le fameux bras- seur2 du faubourg Saint-Antoine était alors l'homme le plus populaire de Paris; il devait en partie sa vogue à son bon cœur — sa brasserie était devenue soupe populaire — mais aussi à l'excellence de sa bière qui coulait à flots pour les patriotes. Il était suivi des commissaires, d'une députation du département et de deux gendarmes...
«Vous venez me chercher?
— Oui.»
Louis alla chercher son testament et le tendit à un nommé Roux, prêtre assermenté.
«Cela ne me regarde point, répondit l'homme, je ne suis pas ici pour faire vos commissions, mais pour vous conduire à l'échafaud.
— C'est juste», soupira Louis XVI avec douceur.
«J'étais derrière le roi près de la cheminée, écrira plus tard Cléry; il se tourna vers moi et je lui présentai sa redingote.
«— Je n'en ai pas besoin, me dit-il, donnez-moi seulement mon chapeau.
«Je le lui remis. Sa main rencontra la mienne, qu'il serra pour la dernière fois.
«— Messieurs, dit-il, je désirerais que Cléry restât auprès de mon fils qui est accoutumé à ses soins. J'espère que la Commune accueillera cette demande.
«Puis regardant Santerre:
«—Partons!
«Je restai seul dans la chambre, navré6 de douleur... Les tambours et les trompettes annoncèrent que Sa Majesté avait quitté la tour...»
En ce soir du 21 janvier, Cléry, tout en faisant semblant de manger, n'a pas le courage d'interroger les commissaires pour avoir des détails. Mais, soudain, du jardin monte un cliquetis d'armes. La porte s'ouvre quelques secondes plus tard. C'est Santerre, suivi de quelques officiers. Il vient s'inviter à dîner et, tout aussitôt, «avec un sang-froid sans égal», rapportera l'un des convives, il se mit à raconter l'exécution «sans en omettre aucune circonstance».
Monté sur le plus beau cheval de sa brasserie — une bêîc- gigantesque que les jour de foire on «déguisait» en éléphant —, il avait précédé la voiture du condamné. Devant, derrière, un groupe considérable de troupes à pied et à cheval, des canons et surtout des tambours, une multitude de tambours, qui battaient sans relâche Le long du parcours — la rue du Temple et les Boulevards — de chaque côté de la chaussée, quatre rangées de troupes; les rues étaient presque désertes. Personne aux fenêtres; à de distances rapprochées, de forts détachements de grenadiers étaient massés; le soleil était caché sous un brouillard épais. (...)
A dix heures vingt, le cortège débouchait place de la Révolution - notre actuelle place de la Concorde. Vingt mille hommes8 étaient massés. Sur la terrasse des Tuileries, des curieux, deux rangs à peine, regardaient avec des lorgnettes. Les tambour battaient toujours. La voiture s'arrêta au pied de l'échafaud. Le roi, sentant que la carrosse n'avançait plus, leva les yeux, ferma son bréviaire9 en maintenant le doigt à la page qu'il lisait et se tournant vers l'abbé Edgeworth, lui demanda:
«Nous voici arrivés, si je ne me trompe.»
Le prêtre se tut et s'inclina. Louis rouvrit le livre et lut les derniers versets du psaume inachevé. Le bourreau ouvrit la portière. Dès que le roi fut descendu, trois aides l'entourèrent et voulurent lui ôter son habit, mais il les repoussa avec fermeté. Il enleva lui-même sa veste, ouvrit son col, puis s'agenouilla aux pieds de l'abbé lui demandant sa dernière bénédiction. Comme il se relevait, les valets de Sanson10 s'approchèrent.
«Que voulez-vous?
— Vous lier.
— Me lier? Non, je n'y consentirais jamais!» Mais l'abbé murmura:
«Souffrez cet outrage, comme une dernière ressemblance avec le Dieu qui va être votre récompense.»
Louis tendit ses mains.
«Faites ce que vous voudrez!»
Rapidement, les poignets furent liés derrière le dos avec un mouchoir; les cheveux étaient coupés par Sanson. Appuyé au bras de son confesseur, le roi monta péniblement les degrés raides de l'écha- faud. Soudain, il écarta le prêtre et s'avança avec vivacité jusqu'au bord de la plate-forme. Il fit un signe aux tambours qui se trouvaient devant lui et ceux-ci, impressionnés, s'arrêtèrent de battre.
«Français! cria le Roi avec une voix qui s'entendit jusqu'au bout de la place, je meurs innocent; je pardonne aux auteurs de ma mort, je prie
Dieu que le sang qui va être répandu ne retombe jamais sur la Frans Et vous, peuple infortuné...»
«— Je brandis aussitôt mon sabre, racontait Santerre. Les tambours commencent un roulement et l'on ne perçoit plus une parole. Le roi frappe du pied et leur crie de cesser; mes aides de camp pressent le bourreau de faire son métier. Finalement, Sanson et ses valets entraînent Louis et l'attachent. Il parlait sans cesse avec animation, sans qu'on entendît rien, à cause des tambours, si ce n'est un cri affreux que la chute du couteau étouffa.»
ANDRÉ Castelot. Le Grand Siècle de Paris. Примечания:
1. В тюрьму Тампль, где был заключен Людовик XVI. 2. Сантер был пивоваром. Во время революции он командовал Национальной гвардией Парижа 3. Священник, присягнувший соблюдать гражданский кодекс прав духовенства (1790) и признавший Революцию. 4. Камердинер Людовика XVI. 5. Парижская Коммуна — собрание представителей народа, которое управляло Парижем. 6. Терзаясь. 7. Тампль — монастырь-крепость (построена тамплиерами, рыцарями ордена Иреусалимского Храма, в XIII веке). Здесь в 1792 году была заключена королевская семья. Тампль снесен в 1814 году. Теперь квартал, где он раньше находился, называется кварталом Тампль. 8. 20 000 soldats. 9. Требник, молитвенник. 10. Парижский палач в период Революции.
СЛОВАРЬ
(Гнездо существительногоlivre,которое имеет три корня: латин- ские (liber, livre) и греческий(biblion). Объясните значение выделенных слов:Louis XVI rouvrit le livre. — Les nouveaux époux reçoivent du maire un «livret de famille» où seront enregistrées les naissances à venir. — Meilhac et Halévy ont écrit le livret de beaucoup d'opérettes; Meilhac et Halévy ont été les librettistes préférés d'Ojfenbach. — Ce libelle nuit plus à son auteur qu'à celui qu'il attaque. — Veillez bien à la façon dont vous libellez votre demande. — Mon ami possède une magnifique collection d'ex-libris. — Le libraire m'a conseillé d'acheter ce roman. — Toute la vitrine de la librairie est consacrée au nouvel académicien. — J'ai acheté une Bible très ancienne. — A la Bibliothèque Nationale, il y a de très nombreux bibliothécaires. — La bibliographie des ouvrages consacrés à Balzac remplit un volume entier. — Mon ami adore les beaux livres: c'est un bibliophile passionné.
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